Après nous avoir fait marrer avec le SAV des émissions, Fred Testot est de retour dans Rictus, une série dans laquelle le rire est interdit. À l’occasion de sa sortie sur OCS le 14 septembre, on a rencontré le comédien – qui n’a pas pu s’empêcher d’enchaîner les blagues.
Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans l’aventure de Rictus ?
C’est avant tout une histoire de rencontres. J’ai fait la connaissance d’Arnaud Malherbe en 2008, quand il m’a proposé de jouer dans son court-métrage Dans leur peau. Peu de temps après, il m’a partagé une idée de série dans laquelle le rire était interdit. Quand j’ai commencé à travailler avec la boîte de production Cinéfrance, je leur ai parlé de ce concept et ils ont adoré. Au final, tout le monde s’est bien entendu et le show a été écrit à partir de cette proposition.
Vous êtes donc à l’origine de ce projet ! C’est un peu grâce à vous si Rictus est né.
C’est toujours un travail d’équipe. Mais c’est très cool de se dire que tout part d’une rencontre et d’une discussion. Comme quoi, il n’y a pas de règles dans ce métier. Il y a des choses qui ne se font pas à un moment donné, mais qui se concrétisent des années plus tard, un peu par hasard. Ce job est un émerveillement permanent, où des opportunités peuvent arriver quand on ne s’y attend pas. C’est toujours la surprise !
Qu’avez-vous pensé du scénario la première fois que vous l’avez lu ?
J’ai adoré le style. Le sujet est très violent – on parle d’un monde dans lequel le rire est interdit –, mais il est traité sur le ton de la comédie. Ce décalage rend la thématique encore plus frappante. Quand on regarde la série, on se dit que la société de demain pourrait changer et devenir comme celle de Rictus. C’est ce qui pourrait arriver si on aseptise nos propos et qu’on interdit toutes les blagues parce qu’elles choquent les autres.
Je ne suis pas philosophe et je n’ai pas le recul nécessaire pour parler de ce sujet, mais cette histoire m’interroge. Faut-il éviter de tomber dans un monde comme Rictus ? Comment réagir aujourd’hui pour que ça ne nous arrive pas ?
François Rollin, qui incarne mon père dans la série, a vécu cette période où on rigolait de tout. À mon – jeune – âge, j’ai pu voir les changements de la société avec et sans téléphone, puis avec et sans réseaux sociaux. Tout a changé. Alors imaginez si on se met en plus à interdire le rire.
Effectivement, dans la série, “seule est tolérée une légère grimace en cas d’émotion ou de contrariété : le rictus”. Êtes-vous du genre à exprimer vos émotions ou vous contentez-vous d’un léger sourire ?
Non, je suis plutôt quelqu’un de naturel. Je dis ce que je pense, je ris souvent… Et quand j’éternue, j’éternue vraiment et je ne me retiens pas. D’ailleurs, j’ai lu que c’était extrêmement dangereux de se boucher le nez pour ne pas faire de bruit. Trop peu de gens le savent ! Il faut le médiatiser et parler des risques (rires).
« Entre potes, on s’est toujours moqué gentiment des particularités de chacun. »
Fred Testot
Plus sérieusement, je me suis récemment souvenu de cette phrase de Pierre Desproges, qui était un grand humoriste, “On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde”. Quand tu réfléchis, tu te rends compte que cette réflexion est toujours d’actualité. C’est paradoxal, car les réseaux sociaux, qui devraient décupler la communication, restreignent la liberté d’expression.
Ou en tout cas, on la voit d’un point de vue négatif. Avant, on rigolait sans se prendre la tête ni faire attention. Dans le SAV, je faisais un personnage misogyne pour justement me moquer de ces personnalités et soutenir la cause féministe. Aujourd’hui, je pourrais recevoir des critiques qui me reprocheraient d’incarner ce rôle en pensant que je le suis réellement. C’est assez étrange.
Tout est scruté et jugé. Il faut toujours prendre parti, être pour ou contre quelqu’un ou quelque chose. Peut-être que ce n’est qu’un cycle et qu’on va bientôt prendre du recul, apporter de la nuance. Après, il se peut que je me méprenne complètement sur ce sujet.
En vieillissant, on se trompe peut-être sur tout. Je me pose des questions, comme tout le monde. Finalement, Rictus n’est pas uniquement une série divertissante, elle nous permet aussi de nous interroger sur de nombreux sujets.
Oui, elle propose une analyse plus politique de la société. Avez-vous la sensation de vous restreindre dans vos blagues ou dans les personnages que vous inventez aujourd’hui ?
Je n’ai pas l’impression d’avoir changé ma façon de rigoler avec mes amis, avec les personnes que je côtoie sur les tournages ou dans la vie de tous les jours. Je ne fais plus de sketchs tous les soirs à la télé, donc je n’ai pas de questions à me poser sur mes personnages, mais maintenant que tout est prétexte à faire du buzz, j’imagine que ça m’interrogerait malgré tout. J’ai arrêté il y a dix ans, et finalement, c’est le temps qu’une nouvelle génération se mette en place. C’est énorme. Je pense que certaines de nos blagues ne passeraient plus en 2023.
Entre potes, on s’est toujours moqué gentiment des particularités de chacun, comme un tic de langage, ou le fait de prendre un peu de poids après les vacances – comme moi en ce moment. On se vanne tous, mais ça a toujours été fait avec bienveillance. Quand tu aimes tes amis ou les gens avec qui tu travailles, tout est prétexte à rire.
Ce n’est certainement pas pour humilier, harceler, ou contraindre. Pas du tout. Maintenant, tout le monde fait attention parce que ça pourrait être mal interprété. D’une certaine façon, c’est normal que les blagues évoluent et que certaines ne passent plus. Des personnes peuvent se sentir blesser et ce n’est pas notre but. En fait, on arrive à la limite quand la vanne ne fait pas rire.
S’il y a bien une chose qui m’a fait rire, c’est le rictus de votre personnage dans la série. De qui vous êtes-vous inspiré pour le créer ?
On a tous des grimaces évidentes. Durant le tournage, le réalisateur nous a demandé de trouver la nôtre, et tout le monde l’a fait assez facilement. Je pense que j’ai toujours eu la mienne – on la retrouve même dans des personnages que j’ai pu interpréter dans le passé. Cette manière d’étirer le visage est naturelle pour moi. Mais ce rictus, qui est la seule émotion acceptée dans le monde de la série, donne l’impression qu’on est coincés. Vous imaginez ? Vous n’avez pas le droit de rire…
Cette société n’est-elle pas votre vision de l’enfer ?
Le monde de Rictus est clairement ma vision de l’enfer. Je ne sais pas combien de minutes nous passons à rigoler par jour, mais c’est un vrai médicament. Le rire libère des endorphines dans le corps, qui nous permettent de nous détendre. C’est magique.
Combien de temps auriez-vous pu tenir dans ce monde ?
Je ne sais pas, mais je n’ai clairement pas envie de faire le test !
Vous êtes donc très mauvais au jeu de la barbichette ?
Ah non, c’est différent ! Ça, c’est du travail. Et je peux tenir longtemps. Mais qu’il s’agisse de drame ou de comédie, on a parfois besoin d’extérioriser nos émotions sur le tournage quand elles sont trop fortes. Entre deux prises, le fait de rire nous permet de nous relâcher. En tant que réalisateur, il ne faut pas réfréner les comédiens dans ces moments.
Tout le monde est évidemment pressé, car chaque journée coûte de l’argent, mais si tu dis à une personne de ne pas rire, elle va forcément le faire. C’est comme si tu disais à un enfant de ne pas faire telle ou telle bêtise. Il va foncer. Pour Rictus, je dois avouer qu’on s’est bien marré et qu’on a été confronté à de nombreux fous rires. La technique pour les contrôler, c’est de se mordre la langue – mais ce n’est pas très agréable.
Quelle est la blague ou la situation qui vous fait le plus rire ?
Il y en a plein ! Ça peut être des rires particuliers, des chutes, un mec qui court et qui se prend un mur… Je suis sensible à différents types d’humour. Je pense que je suis vraiment bon public. Récemment, j’ai beaucoup ri sur les vidéos d’Éric et Ramzy sur TikTok. Au tout début de ma carrière, je travaillais avec eux et leur escalade de blagues absurdes peut me faire rire pendant des heures. Je les connais par cœur, parce que je suis leur premier fan, mais ça marche à tous les coups.
On vous connaît essentiellement pour des rôles comiques, mais vous avez aussi joué dans des drames. En tant que comédien, est-ce plus difficile de faire rire le spectateur ou de l’émouvoir ?
Pour être très honnête, je ne sais pas. C’est très difficile de faire rire, car ça peut être très technique (le ton, la musique de la phrase…), comme instinctif. Que ce soit devant ou derrière la caméra, chaque projet est un nouveau challenge.
À chaque fois, c’est une prise de risque et tu reprends tout à zéro. Tu te demandes si tu seras crédible dans tel ou tel personnage, tu te remets en question… Donc je n’ai pas vraiment de réponse à vous donner, je pense qu’il y a autant de difficultés dans la comédie que dans le drame.
On parle d’humour belge et britannique, mais peut-on aussi parler d’humour français ? Qu’est-ce qui nous caractérise vraiment ?
Les Belges sont très très drôles ! Je ne sais pas s’il y a des blagues typiquement françaises. Est-ce que ça se joue dans la situation, dans les jeux de mots… ? Après, il y a plusieurs types d’humour. Desproges était plus dans l’humour noir, Coluche arrivait à faire rire avec des faits d’actualité sordides et graves… Il avait un talent exceptionnel, c’était vraiment le meilleur. Je pense qu’il y a une particularité française dans la comédie, mais je ne saurais pas la définir.
Quand je vois des séries comme OVNI(s) et Rictus, je me dis que les Français osent proposer des productions drôles, décalées, mais aussi politiques. C’est peut-être ça, notre particularité…
Oui, c’est vrai. L’idée de Rictus était de mélanger plusieurs humours : un très visuel, du mime, des jeux de mots, de l’absurde… C’est une palette très large, innovante et osée !