Actu

Comment des implants boostés à l’IA ont rendu la parole à des personnes paralysées

29 août 2023
Par Kesso Diallo
Une interface cerveau-machine traduit les signaux cérébraux d'Ann en paroles et mouvements du visage d’un avatar animé.
Une interface cerveau-machine traduit les signaux cérébraux d'Ann en paroles et mouvements du visage d’un avatar animé. ©Noah Berger

Elles ont pu communiquer à nouveau grâce à des appareils de lecture cérébrale « lisant » leurs pensées.

Alors qu’Elon Musk avance à petit pas dans son projet d’aider les personnes paralysées avec Neuralink, le milliardaire est devancé par plusieurs chercheurs. Deux équipes scientifiques américaines ont récemment permis à deux personnes dont les fonctions d’élocution avaient été altérées de communiquer à nouveau avec « une précision et une rapidité sans précédent ». Leurs travaux prometteurs ont été publiés dans la revue scientifique de référence Nature mercredi dernier.

« Il est désormais possible d’imaginer un avenir dans lequel nous pourrons redonner une conversation fluide à une personne paralysée, lui permettant de dire librement ce qu’elle veut avec une précision suffisamment élevée pour être comprise de manière fiable », a affirmé Francis Willett, neuroscientifique à l’Université de Stanford, en Californie, et coauteur de l’une des études.

Traduire les signaux neuronaux

Dans les deux cas, les chercheurs ont redonné la parole aux patients à l’aide d’implants de lecture cérébrale boostés à l’intelligence artificielle (IA). Autrement dit, ce sont des interfaces cerveau-machine (ICM) capables de traduire les signaux neuronaux en texte ou en mots prononcés par une voix synthétique.

Dans le cadre de la première étude, l’ICM a été implanté dans le cerveau de Pat Bennett, une femme âgée de 67 ans et atteinte de sclérose latérale amyothrophique. Plus précisément, des réseaux de petites électrodes de silicium ont été insérés dans les parties du cerveau impliquées dans la parole. Ils ont ensuite entraîné des algorithmes d’apprentissage profond pour reconnaître les signaux uniques dans son cerveau lorsqu’elle tentait de prononcer diverses phrases en utilisant un vocabulaire de 125 000 mots et un autre comprenant 50 mots. Ceux-ci ont ensuite été décodés par l’IA. Dans le premier cas, le taux d’erreur du BCI s’est élevé à 23,8% et dans le second, à 9,1%. « Environ trois mots sur quatre sont déchiffrés correctement », a précisé Francis Willett.

À partir de
24,90€
En stock
Acheter sur Fnac.com

Redonner la parole et la voix

Pour la seconde étude, Edward Chang, neurochirugien à l’Université de Californie, à San Francisco, et ses collègues ont utilisé une approche différente. Ils ont employé une technique appelée électrocorticographie (ECoG) pour Ann, une femme de 47 ans ayant perdu la capacité de parler à la suite d’un accident cardiovasculaire cérébral (AVC) il y a 18 ans. Considérée comme moins invasive, elle permet d’enregistrer l’activité combinée de milliers de neurones simultanément.

Concrètement, ils ont placé un rectangle mince comme du papier et contenant 253 électrodes à la surface du cortex cérébral. L’équipe a ensuite entraîné des algorithmes d’IA pour reconnaître les modèles d’activité cérébrale d’Ann alors qu’elle tentait de prononcer 249 phrases avec un vocabulaire de 1 024 mots. Produisant 78 mots par minute, le taux d’erreur de l’appareil s’est élevé à 25,5%.

© YouTube/NPG Press/ Chang Lab

Edward Chang et son équipe ne se sont pas arrêtés là. Ils ont également créé des algorithmes personnalisés afin de convertir les signaux cérébraux d’Ann en une voix synthétique et un avatar animé imitant les expressions faciales. La voix a, de plus, été personnalisée pour qu’elle ressemble à la sienne avant son AVC, en l’entraînant avec des enregistrements de la vidéo de son mariage.

Prouver la fiabilité des implants

Ces travaux sont prometteurs, mais les chercheurs estiment que de nombreuses améliorations sont nécessaires avant que les ICM soient mises à disposition pour une utilisation clinique. « Le scénario idéal est que la connexion soit sans fil », a indiqué Ann aux chercheurs. Les deux équipes souhaitent par ailleurs augmenter la vitesse et la précision de leurs appareils avec des algorithmes de décodage plus robustes.

Enfin, il est aussi nécessaire que ces implants soient testés sur un plus grand nombre de personnes afin de prouver leur fiabilité. « Nous devons faire attention à ne pas promettre la possibilité d’une généralisation à grande échelle à de grandes populations », a déclaré Judy Illes, chercheuse en neuroéthique à l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver, au Canada. « Je ne suis pas sûre que nous y soyons encore », a-t-elle ajouté.

À lire aussi

Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste