À quelques heures des Victoires de la musique 2023, L’Éclaireur a rencontré Pierre de Maere. Véritable révélation, le chanteur belge s’est confié sur son état d’esprit à l’approche de la cérémonie, mais aussi sur son parcours et son univers musical si personnel. Rencontre.
Avec plus de 40 millions de streams pour Un jour je marierai un ange, Pierre de Maere connaît une ascension fulgurante depuis la sortie de son EP Un jour, je, paru il y a un an à peine. À seulement 21 ans et ce premier album tout juste en poche, le jeune belge est nommé deux fois aux Victoires de la musique, un bel exploit. Toute la presse francophone le qualifie de phénomène, et pour cause. L’esthète pluridisciplinaire, porté par un romantisme baroque singulier, s’investit totalement dans ses projets. Désormais, l’artiste a exaucé son rêve, celui de devenir un chanteur populaire, passant sa vie dans les taxis et les trains, naviguant de plateaux de télévision en studios de radio, avec un enthousiasme communicatif. Il a fait escale chez L’Éclaireur.
Vous êtes nommé deux fois aux Victoires de la musique, dans les catégories Révélation masculine et Chanson originale pour Un jour je marierai un ange, titre inclus dans votre premier album Regarde-moi. Comment vous sentez-vous à quelques heures de la cérémonie ?
Je suis à la fois très excité et très effrayé à l’idée de performer aux Victoires, car la cérémonie est diffusée en direct. C’est un sacré exercice. Dans ce cas, le stress peut être aussi bon que mauvais. Il faut que j’apprenne à le gérer. J’ai vraiment envie de faire un show à la hauteur de l’événement. En soi, c’est déjà une victoire de pouvoir m’y produire.
D’une certaine façon, avez-vous déjà gagné ?
Non, j’ai vraiment envie de repartir avec un trophée ! J’aimerais les collectionner, ça m’amuserait énormément [rires].
Espérez-vous y faire des rencontres constructives ?
Il y aura des artistes que j’adore, mais quand je rencontre mes idoles, je fais la groupie, je ne sais pas quoi leur dire et je me trouve bête. J’aimerais bien rencontrer Stromae. Il est une des raisons pour laquelle je chante en français. Racine carrée (2013), son deuxième disque, est pour moi l’album le plus mythique de ces 20 dernières années. C’est mon classique.
C’est la mode des duos. Il n’y en a pas dans votre album, mais avec qui aimeriez-vous en faire un ?
J’aurais aimé en faire. Il y a en France trois ou quatre artistes avec qui je trouve qu’un featuring aurait du sens, comme Yelle, Feu! Chatterton (Arthur Teboul a une voix merveilleuse), ou encore Disiz. Je suis totalement fan de Yelle, on se connaît bien, on s’est vu plusieurs fois, mais pas encore pour faire de la musique. C’est un ovni, sa musique est ambitieuse et fraîche.
En plus d’être nommé aux Victoires de la musique, votre single Un jour je marierai un ange cumule plus de 40 millions de streams. Auriez-vous parié sur ce titre ? Pouvez-vous nous parler de cette chanson qui vous ressemble plus qu’une autre ?
Cette chanson est très fidèle à ce que je suis et à ce que j’ai vécu. Cette quête de tendresse, d’un amour impossible, occupe toutes mes pensées. Au moment de l’écrire, je tombais amoureux de personnages fictifs les uns après les autres. Je me suis dit qu’il vaudrait mieux, pour ne pas rester célibataire toute ma vie, tomber amoureux d’un être humain existant. J’ai écrit sur ce sujet fédérateur, sur cet amour idéal, mais je ne me suis jamais dit que ça allait devenir un tube. Il n’est pas idéalement formaté pour la radio. On est sur un tempo de 85 bpm, c’est assez lent pour la radio.
Ce tube, on le retrouve dans votre premier album baptisé Regarde-moi (2023), pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur ce titre, qui est aussi celui d’une chanson ?
Ça peut paraître narcissique, mais non ! C’est davantage un cri du cœur, l’appel à l’aide d’un artiste désespéré qui a besoin de ce regard pour exister, de cette bouée de sauvetage, de ce sourire parmi la foule. Ce titre m’a été inspiré par Lady Gaga qui, en interview, racontait qu’à ses débuts, elle chantait dans des pianos-bars à New York. Personne ne la regardait. Un jour, elle s’est mise nue et on l’a regardée. Je trouve ça génial et drôle. Je m’en suis inspiré pour écrire la chanson éponyme : « Ce soir je fais des bêtises. Je m’arrache à coup de tise. La foule adore ma triste comédie. Ce soir je strip et je tease. »
Dès votre premier EP, Un jour, je, paru en janvier 2021, vous vous êtes distingué par votre façon de chanter un brin rétro, en roulant les r. Comment est-ce venu ? Est-ce qu’on vous l’a reproché ?
Je n’ai pas inventé cette façon de chanter. Stromae, Brel ou Piaf en France roulaient déjà les r en leur temps. Au début, certaines personnes étaient un peu sceptiques. Elles me voyaient comme un produit marketing très travaillé, très réfléchi, mais ce n’était pas du tout le cas. Je voulais faire des chansons en français. À mon sens, l’anglais est beaucoup plus musical que le français, alors j’ai commencé à rouler les r pour apporter une musicalité à mes textes.
Regarde-moi est avant tout une fiction, mais vous vous dévoilez par petites touches, notamment dans Un jour je marierai un ange, Enfant de et Jour -3.
Jour -3 parle de ma première histoire d’amour réciproque, des prémices d’une relation, quand au bout de trois rencards, j’envisage déjà le mariage et les enfants. J’ai écrit : « Rien ne va trop vite pour un cœur amoureux. Je suis de ceux qui rêvent d’amour à mort sur un ciel bleu. » Cette phrase, c’est tout à fait moi ! Quand je parle d’amour dans l’album, c’est toujours d’amour à mort, c’est toujours excessif. L’album est excessif. Textuellement, mais aussi musicalement. Il y a un côté épique, un peu baroque, totalement romantique.
Vous définiriez-vous comme une personne romantique ou une drama queen ?
Le personnage de la drama queen m’amuse. J’ai tendance à tout exagérer. Je trouve ça divertissant. C’est une façon de romancer, ça rend les événements beaucoup plus intéressants. J’aime m’enthousiasmer pour n’importe quoi, les choses, l’amour que j’idéalise… c’est tout ou rien. Je suis manichéen. Soit l’être aimé est idéal et je le garde, soit je le quitte. Pour ces raisons, je serai certainement célibataire et malheureux toute ma vie [rires].
Pour Un jour, je, vous étiez particulièrement impliqué dans tous les domaines, la photo, les clips, le stylisme… Comment fonctionnez-vous aujourd’hui ? Avez-vous lâché prise ? Pour la cover de l’album, comment avez-vous travaillé avec Marcin Kempski, éminent photographe ?
Je suis toujours très impliqué, mais je me laisse davantage guider en vidéo parce que je travaille avec des personnes en qui j’ai confiance. J’appelle quand même les réalisateurs ou réalisatrices 15 fois avant le jour du tournage [rires] ! Pour la photo, je suis plus exigeant, car c’est plus mon domaine de compétence, notamment pour la cover de Regarde-moi. L’idée du fond violet, c’est la mienne. Ce mélange des couleurs, très Valentino, très romantique, me ressemble. Elle évoque un peu l’univers de Kraftwerk aussi. Pour le vinyle, j’ai fait faire un poster avec des dessins à la Magritte. J’ai commandité ces réalisations, mais j’ai aussi dû faire confiance à des photographes merveilleux comme Marcin Kempski. Nous avons shooté la cover à Varsovie. J’étais très étonné, mais hyper content qu’il s’intéresse à moi, il a fait plein de couvertures pour Vogue. Je m’implique aussi énormément dans le stylisme, ça me passionne. Si ça avait été hors de contrôle, j’aurais été très frustré.
Pour finir, quelles chansons recommandez-vous d’écouter en priorité pour rentrer dans votre album ?
Je recommande d’écouter Enfant de, Bel-Ami, Ta violence et Regarde-moi.
Pierre de Maere sera en tournée jusqu’au 26 janvier 2024. Les places sont déjà en ventes sur la billetterie de la Fnac.