Après avoir présenté le film au Festival de Cannes, Quentin Dupieux est de retour avec Fumer fait tousser ce mercredi 30 novembre. L’occasion de découvrir un film à sketchs drôle, cinglant et rythmé, fidèle à l’univers du réalisateur le plus déjanté du grand écran français.
Le prolifique Quentin Dupieux est de retour dans les salles obscures, quelques mois seulement après avoir présenté Incroyable mais vrai (2022). Il retrouve une nouvelle fois l’un de ses acteurs fétiches, Alain Chabat, dans Fumer fait tousser, après l’avoir dirigé dans Réalité (2014).
Plus exactement, le meneur des Nuls prête sa voix à un rat en forme de marionnette, nommé Chef Didier. Ce dernier dirige la Tabac Force, un groupe de super-héros inspiré des célèbres Power Rangers et de Bioman. Ensemble, ils luttent contre des forces démoniaques. Pourtant, leur cohésion d’équipe a besoin d’être renforcée. C’est pour cette raison que Chef Didier leur donne pour ordre de partir en retraite. Seulement, le terrible dessein de Lezardin va venir contrarier leur fameux team-building.
Un cinéma qui égratigne
Il est d’ailleurs intéressant que Quentin Dupieux ait pris ce point de départ pour raconter cette nouvelle histoire. À travers ses films, le réalisateur français a pour habitude de poser son regard burlesque et finalement acerbe sur notre société. Fumer fait tousser n’échappe pas à la règle. Quentin Dupieux s’attaque notamment aux problématiques actuelles, prenant pour référence la série Z. Le genre – caractérisé par sa proposition absurde – lui permet de s’attaquer avec dérision au réchauffement climatique, à la santé publique ou encore aux méthodes de management modernes. Autant de thèmes décriés par le réalisateur, qui caractérisent l’urgence voire la bêtise de notre époque.
D’une autre manière, les relations de couple, l’infidélité et la tromperie – déjà explorées dans Incroyable mais vrai avec mélancolie – sont pointées par le cinéaste à travers plusieurs personnages. Ces thématiques remplies d’humanité permettent d’apporter de la profondeur au film, alors que celui-ci questionne, dans sa dernière partie, des sujets plus philosophiques relatives au temps qui passe, à la condition humaine ou encore à l’héritage qu’on laisse. Finalement, Quentin Dupieux dresse un contraste fascinant entre les sujets abordés profondément dans le long-métrage et sa forme plus déjantée. Le réalisateur place le burlesque et ses propres références complètement allumées – tirées de la télévision des années 1990 – au premier plan, comme un vernis, qui lorsqu’on le gratte égratigne le spectateur.
Des contes pour adultes
Dans ce film à sketchs, les personnages, certaines situations ou dialogues absurdes permettent au cinéaste d’offrir un film amusant et rythmé. Si cette nouvelle création conserve la patte abstraite que l’on associe à l’univers de Quentin Dupieux, ce format permet de dynamiser le récit, tout en le rendant accessible. Un choix de mise en scène qui se transforme rapidement en conte pour adultes au coin du feu, des histoires d’horreur court-circuitant rapidement la parodie sentai.
On y croise ainsi ces fameux superhéros déprimés, mais aussi des vacances entre amis qui dégénèrent en film gore – dans un pastiche porté par Grégoire Ludig, Adèle Exarchopoulos, Doria Tillier et Jérôme Niel –, une petite fille inquiétante, un frigo d’un nouveau genre, un méchant bien décidé à faire sauter la planète (Benoît Poelvoorde), et Blanche Gardin face à une déchiqueteuse. L’humoriste personnifie le moment le plus méta de tout le film, mais aussi le plus amusant face à certaines inégalités scénaristiques. On reconnaît sa patte et, aux côtés de Quentin Dupieux, on ne peut que penser que cette absurdité opère à merveille.
Il faut aussi souligner le travail sur les décors et les costumes, que les équipes de Quentin Dupieux ont su reproduire fidèlement, afin d’offrir un film proche d’une série Z et dans lequel se mêlent contes, dystopie et photographie tirée d’un mauvais téléfilm. Ce mélange permet cependant à ce casting de luxe mené par Gilles Lellouche de libérer la gravité, l’humour et la générosité dont Fumer fait tousser est empreint. Brillamment orchestré et plus accessible que certaines autres créations du metteur en scène, comme Le Daim (2019), le long-métrage saisit le tourment de ses personnages et leur solitude dans un monde violent, gore, où plus rien n’a de sens. Un cinéma jubilatoire, 100 % fidèle au réalisateur, mais plus inquiétant qu’il n’y paraît sur notre monde actuel.
Fumer Fait Tousser de Quentin Dupieux avec Gilles Lellouche, Alain Chabat, Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Jean-Pascal Zadi et Oulaya Amamra – 1h20 – le 30/11/2022 dans les salles.