À l’occasion de la parution de son premier roman, Zéro Gloire, le musicien et écrivain Pierre Guénard a accepté de répondre à nos questions.
Pierre Guénard a fondé en 2013 le groupe de rock français Radio Elvis, avec Manu Ralambo à la guitare et Colin Russel à la batterie. Ils remportent une Victoire de la musique pour leur premier album, Les Conquêtes (2016). Malgré le succès critique de leur second opus, Ces garçons-là (2019), le groupe a annoncé en avril dernier que ses membres poursuivraient désormais leur chemin séparément.
Pierre Guénard en a profité pour faire paraître son premier roman, Zéro gloire (Flammarion). Particulièrement réussi, entre poisse et poésie, ce texte fait écho aux chansons de l’auteur-compositeur.
Comment vous est venue l’envie d’écrire autre chose que des chansons ?
J’ai toujours écrit d’autres choses, en fait. L’écriture a toujours été liée à ma vie intime : j’écris depuis toujours, des poèmes, des choses un peu décousues… Il y a deux ou trois ans, des choses plus abouties sont arrivées ; des choses qui avaient en commun des personnages, des thèmes. C’est ce que j’ai envoyé à la personne qui est devenue mon éditrice et qui m’a permis de me sentir plus légitime dans ma démarche.
Faites-vous une différence entre l’écriture de chansons et l’écriture romanesque ?
Il y a environ trois ans, j’ai commencé à écrire des chansons que j’ai eu envie d’assumer en dehors de mon groupe (Radio Elvis, ndlr). Je voulais me trouver dans un endroit plus personnel, plus “journal intime”. Et ces chansons sont en fait corrélées aux textes qui sont par la suite devenus mon roman. En fait, l’écriture du roman était liée à la musique et les chansons au roman : les deux se répondaient. Dans le roman, il y a un côté rythmé, des phrases courtes, des punchlines… et je pense que c’est quelque chose qui me vient de la chanson.
Ces chansons qui répondent à Zéro gloire, on va les entendre bientôt ?
Oui, j’ai fini la composition, je suis en train d’enregistrer et d’affiner la direction artistique de mon premier album solo.
Le personnage de Zéro gloire est un jeune homme déshérité, auquel vous refusez une happy end ; pourtant, ce n’est pas un roman désespéré… Qu’est-ce qui vous permet d’échapper au désespoir ?
Je crois que ce n’est pas un livre désespéré parce qu’Aurélien est persuadé de ce qu’il a au fond de lui, il est persuadé d’avoir un destin ; c’est ce qui fait qu’il est capable d’alterner entre le laid et le beau. Le laid l’entoure, mais le beau sort de sa tête. C’est ce qui lui permet de se tenir droit, de tenir la tête hors de l’eau. Je crois que Zéro gloire reste entre les deux, tout le temps, entre le très lumineux et le très sombre.
Diriez-vous que Zéro gloire parle surtout d’une génération ?
C’était le but. Je ne voulais pas faire du social ; bien sûr, il y a une dimension sociale, parce que je parle de la classe moyenne, mais je ne voulais pas raconter une histoire que je ne connais pas, une histoire qui se passerait dans un milieu très sombre, très pauvre. C’est quelque chose qu’il côtoie, mais il ne vit pas directement dedans.
Ce que je voulais, c’était surtout parler d’une génération, oui. Je me suis beaucoup inspiré de ce que j’ai vécu. À 20 ans, je faisais partie de ces petits mecs qui traversent la rue pour trouver du travail comme dirait l’autre, mais à quel prix ? Je faisais ce que personne ne voulait faire, sans grand intérêt et payé une misère. C’est de ça que je voulais parler : on en parle peu, parce que ce n’est pas spectaculaire, mais il s’y passe beaucoup de choses.
C’est un roman autobiographique, alors ?
Il se trouve que, comme Aurélien, j’ai travaillé de nuit au MacDo et de jour aux pompes funèbres. Mais c’est romancé et condensé. Je dirais que c’est une sorte d’autofiction : le but n’était pas de me raconter, mais de raconter ce que j’avais vécu. Je ne suis pas sûr, de toute façon, de pouvoir inventer une histoire de bout en bout. Je préfère prendre des éléments vécus pour les rendre plus cruels ou plus drôles – et j’en profite pour avoir plus de répartie que dans la vie ! C’est une petite revanche, c’est plutôt agréable.
Zéro gloire, de Pierre Guénard, Flammarion, 128 p., 16 €. En librairie depuis le 24 août 2022.