Repérer le Covid, déceler un cancer, Alzheimer… Les scientifiques s’intéressent de plus en plus à notre voix pour détecter certaines maladies. Et l’intelligence artificielle pourrait jouer un rôle crucial.
Une base de données mondiale des voix humaines pour faire avancer la science ? Tel est le projet imaginé par les National Institutes of Health aux États-Unis et dévoilé courant septembre dernier, dans le cadre du programme Bridge2AI, qui vise à intégrer de l’intelligence artificielle (IA) partout où cela est possible dans le domaine biomédical et la recherche comportementale. Objectif ? Faire en sorte que la voix devienne un biomarqueur de maladie, tout comme c’est le cas pour le sang ou la température. Il faudra environ quatre ans pour mettre en place cette base de données des voix.
« Quand on mixe l’analyse de la voix et des sons avec des algorithmes d’intelligence artificielle, le potentiel est incroyable pour diagnostiquer avec précision certaines maladies. »
Olivier ElementoProfesseur, Institute for Computational Biomedicine
Olivier Elemento, professeur de l’Institute for Computational Biomedicine à l’école de médecine Weill Cornell (New York), trouve bien des avantages au recueil de la voix : « Quand on mixe l’analyse de la voix et des sons avec des algorithmes d’intelligence artificielle, le potentiel est incroyable pour diagnostiquer avec précision certaines maladies. Nos futures découvertes pourraient conduire à une révolution dans les soins de santé où la surveillance vocale continue pourrait alerter les médecins très tôt sur certaines pathologies, telles que les infections ou les maladies neurologiques. »
Cinq grands types de maladies sous surveillance
La méthode a aussi l’avantage d’être peu onéreuse pour créer la base de données permettant de soumettre suffisamment d’échantillons pour entraîner l’IA à reconnaître les maladies. Le principe est d’enregistrer les voix de personnes malades au diagnostic établi. Pour l’heure, le système se concentre sur cinq formes de pathologies.
D’une part, il y a les troubles vocaux qui sous-tendent des cancers laryngés, des paralysies des cordes vocales et des lésions bénignes du larynx. Sont aussi visés les désordres neurologiques et neurodégénératifs (Alzheimer, Parkinson, AVC, sclérose latérale amyotrophique).
L’étude porte également sur les sautes d’humeur et les troubles psychiatriques (dépression, schizophrénie, troubles bipolaires). La voix peut aussi permettre d’identifier les problèmes respiratoires (pneumonie, bronchopneumopathie chronique obstructive). Enfin, cela doit aider à l’identification des dysfonctionnements pédiatriques de la voix et de la parole (retards de la parole et du langage, autisme).
Le Covid aussi… via les smartphones !
Début septembre, lors du congrès de la Société européenne de pneumologie à Barcelone, des scientifiques ont également présenté une découverte pour le moins intéressante. Grâce à l’intelligence artificielle, un smartphone est capable de déceler si une personne a été contaminée par le Covid-19 grâce au son de sa voix. La chercheuse Wafaa Aljbawi, de l’Institute of Data Science à l’université de Maastricht (Pays-Bas), a expliqué durant le congrès que son modèle d’IA était fiable 89 % du temps. Un chiffre supérieur aux résultats des tests de dépistage antigéniques. On estime en effet que les erreurs vont de l’ordre de 20 % à 81 % sur les cas positifs, selon l’Imperial College de Londres.
Grâce à l’intelligence artificielle, un smartphone est capable de déceler si une personne a été contaminée par le Covid-19 grâce au son de sa voix. La chercheuse Wafaa Aljbawi, de l’Institute of Data Science à l’université de Maastricht (Pays-Bas), a expliqué durant le congrès que son modèle d’IA était fiable 89 % du temps. Un chiffre supérieur aux résultats des tests de dépistage antigéniques.
En effet, le Covid affecte bien souvent les voies respiratoires supérieures et les cordes vocales, entraînant des changements dans la voix d’une personne. Pour entraîner l’IA, Wafaa Aljbawi est partie d’une base de données de l’université de Cambridge – créée grâce à une app – qui contient 893 échantillons audio de 4 352 participants sains et non sains, dont 308 avaient été testés positifs au Covid-19. « De tels tests peuvent être gratuits et sont simples à interpréter, a-t-elle expliqué. Ils peuvent être fait à distance, en moins d’une minute. On peut imaginer les utiliser, par exemple, aux points d’entrée de grands rassemblements, permettant un dépistage rapide de la population. » Pour l’heure, aucune application n’est encore disponible, car l’équipe scientifique veut encore affiner la précision de son dispositif, mais elle devrait sortir courant 2023.