Les auteurs de ces quatre one-shot s’inspirent des codes de la science-fiction avec succès. On est vite pris par ces scénarios inventifs qui, au-delà d’un récit accrocheur, offrent plusieurs pistes de lecture et quelques bons sujets de réflexion pour prolonger le plaisir ! Des BD sympas et originales à glisser au pied du sapin pour un Noël décalé.
La carte du ciel de Arnaud Le Gouëfflec et Richard
Spécialiste des scénarios étranges et savoureux, Arnaud Le Gouëfflec a déjà fait ses preuves avec l’excellent Soucoupes, illustré par Obion et l’excentrique J’aurai ta peau, Dominique A, en collaboration avec Olivier Balez. La carte du ciel est une histoire douce-amère sur la fin de l’adolescence. Alors qu’ils préparent avec plus ou moins d’enthousiasme leur bac, trois amis voient leur quotidien se fissurer après le possible passage d’un vaisseau extra-terrestre au-dessus de leur ville et l’arrivée d’une nouvelle prof de philo envoûtante. Sur fond d’intrigue policière, la réalité qui frappe ces trois jeunes se révélera bien plus sombre que l’éventualité d’une invasion d’aliens. Un scénario intelligent et sensible mis en valeur par un dessin d’une belle finesse.
Sérum de Cyril Pedrosa et Nicolas Gaignard
Dans un futur proche : les élites se targuent de ne plus mentir au peuple, le quotidien est très encadré, le calme semble régner enfin sur notre beau pays moyennant une surveillance appuyée mais tolérable… en apparence. Kader, héros de cette fable des temps modernes, vit seul depuis qu’il a reçu une injection d’un sérum qui l’oblige à dire la vérité. Cette malédiction qui l’a coupé de ses proches pourra-t-elle s’avérer utile dans cette société aseptisée, soi-disant exempte de vices ? Cette intrigue menée avec brio du début à la fin, surprenante, emprunte adroitement au récit d’anticipation et pousse à la réflexion. Elle permet aussi de découvrir un dessinateur plutôt doué pour créer des atmosphères futuristes légèrement anxiogènes et fort plausibles.
Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher
Un excellent récit qui flirte avec le fantastique ! Jeune homme gai et plein d’avenir, Lubin est un acrobate insouciant jusqu’au jour où un double s’empare de son corps, d’abord un jour sur deux puis de plus en plus souvent. Cherchant à comprendre ce qui lui arrive, il tente de communiquer avec cet autre par caméra. Schizophrénie, dédoublement de personnalité ou mystère de la science ? La lecture de cet album embarque le lecteur sur plusieurs pistes et le pousse à s’interroger sur la quête d’identité, le temps qui avance inexorablement, les liens qui unissent les uns aux autres. Une lecture philosophique passionnante, illustrée avec douceur par un jeune auteur que l’on espère lire de nouveau très vite.
The private eye de Brian K. Vaughan et Marcos Martin
Encore une fois Brian K. Vaughan frappe fort ! Rappelons que ce brillant scénariste est à l’origine de nombreuses pépites comme Saga, Y le dernier homme ou encore Paper girls pour n’en citer que quelques unes. Sorti en ligne à l’origine, The private eye est un excellent polar SF situé dans un futur pas si lointain où Internet n’existe plus, le cloud ayant pété les plombs et rendu public les petits et grands secrets de tous. Depuis cet incident explosif, le respect de la vie privée est devenu la priorité de chacun et les gens se cachent derrière des masques et diverses identités afin de se protéger. Mais quand un petit malin décide de ressusciter le mythe de Big Brother, tout déraille dans une élégante et jouissive démesure ! Cette histoire est vraiment sympa, c’est terriblement amusant de se projeter vieux dans une société pareille, tatoué (ou non, ça reste à la discrétion de chacun) et nostalgique de Facebook et des FPS en réseau, alors que nos petits-enfants utilisent des cabines téléphoniques. Un scénario délicieusement rétro-futuriste illustré de manière très pop, divertissant, intelligent, qui tient le lecteur en haleine sur 300 pages, que demander de plus ?
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