Remise sur le devant de la scène littéraire ces deux dernières années, l’exofiction renouvelle le roman historique, en proposant des biographies romancées et des variations sur les grands personnages du passé. À la fois documenté et créatif, ce genre est de nouveau très présent en cette rentrée littéraire d’hiver.
Le bon vieux temps
Depuis longtemps, la littérature puise dans l’Histoire ses plus grands sujets et parfois aussi ses héros. Plus récemment, le phénomène s’est transformé avec l’apparition des exofictions, romans dans lesquels les lacunes laissées par les historiens se trouvent comblés par l’imagination fertile des écrivains.
Ainsi, aux traditionnelles biographies historiques s’ajoutent des portraits plus romancés, souvent empreints des thématiques chères à un auteur. Barbara Lecompte, après avoir abordé la Révolution dans Thermidor ou le portraitiste de la Pompadour dans Marquise au portrait, nous revient ces jours-ci avec L’Encrier de Madame de Sévigné, dans lequel elle ressuscite l’épistolière en représentant ses secrets d’alcôve et ses objets fétiches.
Isaure de Saint-Pierre s’est quant à elle entichée d’une favorite d’Henri IV dans son nouveau livre Gabrielle d’Estrées ou les belles amours, une occasion de dépeindre un roi et sa cour sous un jour inédit, tout en imaginant les parties les plus cachées d’une relation amoureuse illustre.
Presque célèbres
Tout comme Isaure de Saint-Pierre, nombre des auteurs rangés dans le domaine de l’exofiction ont recours à des personnages historiques discrets mais ayant œuvré dans l’entourage très proche de monuments de l’Histoire.
Lynn Cullen, dans son roman Mrs. Poe, éclaire ainsi la vie d’un des plus grands écrivains de tous les temps, Edgar Allan Poe, à travers le triangle amoureux qu’il formait avec sa femme Virginia et la poétesse Frances Osgood. Une manière également de rappeler ces égéries qui comptent dans la vie d’un écrivain.
Le même thème est d’ailleurs à l’œuvre dans le roman de Marie-Eve Lacasse, Peggy dans les phares, ou la vie reconstituée et imaginée de l’amour secret de Françoise Sagan, Peggy Roche.
Le jeu de la vérité
Au-delà des évocations d’oublié(e)s de l’Histoire ou de portraits à peine romancés, l’exofiction invente de nouvelles formes dans lesquelles la véracité du passé se mêle à un jeu littéraire très contemporain.
Ainsi, Jane Thynne, avec la série d’espionnage Clara Vine (et son troisième épisode La Guerre des fleurs), fait traverser de sombres périodes à son héroïne qui rencontre Eva Braun ou Joseph Goebbels au cours de ses aventures.
Adepte de la mise en abyme, Paul Vacca, dans l’étonnant Au jour le jour, fait vivre à Eugène Sue des péripéties aussi rocambolesques que celles imaginées par ce feuilletoniste lorsqu’il conçut Les Mystère de Paris.
Svetislav Basara, dans Le Cœur de la terre, fait dialoguer la biographie de Nietzsche avec des éléments du passé et du présent, ne rechignant pas devant quelques anachronismes.
Quant à Mo Daviau, avec Il faut sauver John Lennon, c’est au cœur de l’histoire du rock qu’elle puise la matière biographique d’un livre aussi délirant qu’inventif. Preuve que l’exofiction, œuvre d’écrivains fort bien documentés mais généreux dans leurs formes, trouve bon an mal an de très beaux territoires d’expression pour faire revivre le passé sans s’appesantir.
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