La Fnac Montparnasse a le plaisir de recevoir Victor Solf pour un showcase suivi d’une séance de dédicace à l’occasion de la sortie de son album « Tout peut durer », le mercredi 29 janvier à 18h.
Victor Solf
Tout peut durer
Nouvel album disponible le 24 janvier 2025
Depuis l’adolescence, Victor Solf, né à Düsseldorf et bilingue franco-allemand, avait décidé que sa première langue en musique devait être l’anglais. Ça serait l’arme fatale pour accomplir son immense rêve de pop puis de soul chantée, pensée et jouée sans accent. Avec The Popopopops, le duo Her puis en solo, l’anglais devint un dogme, qui étouffa toute tentative de texte en français. “Je trouvais que le français ne sonnait pas” , dit-il.
Mais on ne peut pas se cacher éternellement derrière des tournures empruntées à des disques pour livrer ses sentiments, pour dévoiler son intimité, ses failles, pour aborder la gravité. Victor a eu besoin de plus de concision, de précision et a pressenti que le français pouvait lui offrir ce que l’anglais aurait laissé planer en surface.
Ignorant des pans entiers de la chanson d’ici, Victor peine pourtant à se trouver des pairs, des pères, des mères au sein de cette musique dans laquelle il se sent étranger, étrange même.
Comment chanter en français quand on a grandi au strict régime anglo-saxon ? Victor prend alors conseil auprès de paroliers ayant eux-même réglé cette énigme mais c’est avec Vincha que survient le déclic. Cette rencontre et cette soudaine complicité donna corps à Tout peut durer. L’osmose est totale, elle s’accompagne en plus d’une fièvre de tous les instants, qui se manifeste par des allers-retours pointilleux, compulsifs. Avec son écriture rythmique, issue du rap, Vincha se révèle le partenaire rêvé : il signe huit des textes de l’album.
“Quand je me suis orienté vers le français, j’ai ressenti des choses très fortes. C’est une autre manière de chanter, un autre rapport aux mots. Je cherchais la clarté. Ça a été un soulagement.”
En quittant la région parisienne il y a 5 ans pour le Finistère Nord, Victor a gagné en temps, en sérénité et en concentration. Les visites y sont rares, la paix intacte. Dans un studio installé dans sa maison, il travaille ainsi quotidiennement le piano, il retravaille, remodèle sans répit ses chansons, en quête de la version la plus juste : celle à laquelle musiciens et arrangements offriront ensuite une nouvelle vie, plus large, plus intense.
Car Victor Solf est un perfectionniste esthète mais aussi un mélomane averti qui peut citer avec fougue les Anglais de Sault autant qu’Al Green, les Strokes comme Otis Redding, Childish Gambino comme Jack Antonoff ou Son Lux… C’est cette boulimie qui maintient tous ses sens en alerte.
Bastien Doremus – réalisateur pour Christine & The Queens mais aussi partenaire de Victor Le Masne ou de SebastiAn – partage avec Victor Solf la même passion pour une musique à la fois immuable et en chantier permanent, de la soul éternelle au hip-hop progressiste. En l’accompagnant dans la prise de son, le mixage et la co-réalisation de de Tout Peut Durer, il l’encourage dans l’épure. Cette éthique s’applique jusqu’au chant, volontairement bas, sobre, retenu, presque murmuré parfois. “On écoutait beaucoup Gil-Scott Heron pendant l’enregistrement, pour le mélange de groove et de minimalisme.”
Pour ce faire, ils appellent ceux qu’ils considèrent les meilleurs à leurs postes, du batteur Louis Delorme (Air, Charlotte Gainsbourg…) au bassiste Jérôme Arrighi (Juliette Armanet, Bachar Mar-Khalifé…) en passant par le pianiste Vincent Charrue, issu du jazz. Des musiciens qui respectent le silence, acceptent leur absence, sans ce besoin impérieux “d’en mettre partout” comme dit Victor, estimant que les lieux et jeux collectifs constituent l’âme d’un album. Confiant dans l’expertise de Bastien et le choix commun et maniaque des équipements et techniques de prises de son, Victor a alors pu s’abandonner à ce plaisir ancien : jouer tous ensemble dans la même pièce, avec les regards et sourires que ça implique. Partout, Victor joue collectif, mais il n’y aura plus de groupe. “Je me sens aujourd’hui en paix avec moi-même, je ne veux plus faire partie d’un groupe, tel était mon destin”.
D’autres invités participent à l’album. Comme dans ces albums fondamentaux de la soul-music, chacun vient sublimer les chansons, dans une surenchère de bienfaits qui commence par les choristes, qui ajoutent textures, harmonies et ferveur dans une bacchanale gospel. Pareillement guidés par l’excellence, des cuivres arrangés par Fred Pallem poussent les arrangements vers la fièvre.
Si les guitares étaient le signe distinctif du groupe Her, elles n’ont pas tout à fait disparu de cet album : on retrouve le fidèle Louis-Marin Renaud mais aussi Bernard Butler, le brillant guitariste du groupe Suede sur deux titres, seuls vestiges d’une session londonienne restée sans suite.
A cette équipe réduite mais dédiée, il convient de rajouter Sylvain Taillet. Complice de Victor depuis qu’il avait signé son groupe Her chez Barclay en 2016, il a accompagné rigoureusement le Breton sur l’enregistrement et la conception de Tout Peut Durer. Désormais aux commandes du label Glory Box – un hommage à Portishead, référence commune aux deux hommes –, il pratique lui aussi à l’ancienne son métier dans la musique: il est directeur artistique. “J’avais depuis toujours besoin qu’on me remette en question, qu’on me challenge, qu’on me pousse au surpassement. Sylvain a été exigeant jusqu’au mixage, il a tout analysé, m’a forcé à des décisions radicales, comme la suppression du refrain sur Figur. Il y a eu beaucoup de débats.”
Des débats mais cette envie commune chez les trois protagonistes : soustraire, éliminer. C’est à ce prix, radical, que se gagne le “less is more” extravagant de Tout Peut Durer. Quitte à désosser complètement certains titres pour mieux les reconstruire (La nuit je…, Multiple). C’est ensuite qu’est intervenu un travail rigoureux mais habité de montage, d’édition. En utilisant les prises live comme une matière première à triturer, malaxer, l’équipe coupe, colle, déstructure et reconstruit les chansons en incluant des basses manquantes, en additionnant des diableries synthétiques, en coupant des pistes superflues.
Cet équilibre entre passé et futur ne sera pas le seul point passionnant de friction de l’album. Le décalage permanent entre la légèreté des mélodies et la gravité des textes – et l’inverse – constitue une autre force de l’album. Comme dans Le meilleur de toi, cet hommage à Simon Carpentier, son frère d’armes jusqu’à son décès tragique en pleine finalisation du premier album de Her, chanté sans pathos, l’âme délestée. Figur – la figure paternelle en allemand – joue aussi sur ce registre, en évoquant avec retenue un père plus absent que présent, entre amertume et pardon.
Tout peut durer et Que le cœur, révélés en éclaireurs de l’album, confirment la complexité et pourtant la simplicité de cette musique : entre mélancolie intimiste et liesse collective, ces deux chansons résument bien l’espace et le spectre illimités d’une écriture totalement affranchie. Ainsi Victor Solf s’abandonne à l’ivresse du chant comme un preacher des temps modernes. On imagine déjà les transes torrides que Ne plus jamais rentrer provoquera sur scène.
S’il chante de la soul, il est hors de question ici de se plier aux cahiers des charges immuables du genre. Tout Peut Durer s’il respecte la tradition se révèle d’une modernité insolente. Sans nostalgie, sans entrave, il jouit de son temps, de ses possibles illimités. Sans âge, il est garanti sans vintage.
Jean-Daniel Beauvallet
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