Entretien

Rencontre avec John Boyne, Prix du roman Fnac 2025

22 septembre 2025
Par Robin Negre
Rencontre avec John Boyne, Prix du roman Fnac 2025
©Gilligan/JC Lattès

L’auteur irlandais vient de remporter le 24e Prix du roman Fnac avec Les éléments. Pour l’occasion, L’Éclaireur s’est entretenu avec lui.

Deux ans après La vie en fuite (JC Lattès), l’écrivain irlandais John Boyne a fait un retour triomphant en librairie avec Les éléments. Lauréat du Prix du roman Fnac 2025, l’auteur succède à Marie Vingtras. Son nouveau livre est un récit profond, touchant, évocateur, surprenant, marqué par un profond traumatisme et lié aux quatre éléments. Rencontre.

Quand avez-vous décidé que ce roman serait lié aux éléments ? Quel a été le point de départ de l’écriture ?

J’ai commencé avec l’idée d’écrire une courte nouvelle, seulement 40 000 mots, sur une femme qui fuit Dublin pour une petite île au large de la côte ouest de l’Irlande pendant un an, et qui doit affronter la question de savoir si elle a, oui ou non, permis les multiples crimes de son mari au fil des décennies.

À mesure que le livre prenait forme, néanmoins, j’ai compris qu’il avait un potentiel bien plus vaste, et j’ai choisi de l’élargir d’une seule partie à quatre, en utilisant les quatre éléments – l’eau, la terre, le feu et l’air – comme points de repère, et en adoptant quatre perspectives distinctes : l’acquiescement, la complicité, le coupable et la victime. Je constate souvent que mes romans partent d’une idée, mais qu’au moment où je commence à les écrire, ils deviennent autre chose. Je ne crois pas que j’aurais pu planifier ce livre, il devait naître organiquement de l’écriture. 

« Je crois que la plus grande chose qu’une personne puisse faire dans la vie est d’offrir à quelqu’un une enfance heureuse. »   John Boyne

Les éléments est un roman sur la culpabilité, la rédemption, le traumatisme et la reconstruction. Il parle aussi des enfants et de l’innocence. Un thème que l’on retrouve souvent dans votre travail. Ce livre prend-il cependant une direction nouvelle par rapport à vos œuvres précédentes ?

Je n’ai jamais été un écrivain expérimental. Si je devais me définir, je dirais que je travaille dans la tradition des romans centrés sur la narration. Cela ne veut pas dire que l’un est meilleur que l’autre, simplement que ce n’est pas ma manière de travailler. Cependant, Les éléments est probablement le roman le plus expérimental que j’ai écrit, dans le sens où il combine ces quatre sections avec des personnages et des thèmes entremêlés.

Les enfants, comme vous le soulignez, et les jeunes, jouent souvent un rôle essentiel dans mes livres. Je crois que la plus grande chose qu’une personne puisse faire dans la vie est d’offrir à quelqu’un une enfance heureuse. C’est la base de sa vie future. Ainsi, l’idée selon laquelle les enfances peuvent être horriblement corrompues revient fréquemment dans mon travail.

Le passage du temps et l’évolution de la nature sont omniprésents dans le livre. Pensez-vous que le roman aurait été différent si vous l’aviez écrit il y a quelques années ?

J’ai écrit ce livre sur une période de deux ans, alors qu’avec une douzaine d’autres hommes à Dublin, nous engagions une action en justice contre l’un de nos anciens professeurs d’école qui nous avait agressés sexuellement. L’affaire avait été constituée, mais il est mort, de causes naturelles, peu avant que le procès ne commence.

Cependant, durant ces deux années, lorsque je racontais à la police irlandaise ce qui m’était arrivé entre les mains de cet homme, et comment cela m’avait ensuite affecté, j’ai trouvé cathartique d’écrire ce livre. Non pas pour diaboliser qui que ce soit, mais pour essayer de comprendre pourquoi certains adultes choisissent d’abuser des membres les plus vulnérables de la société – les enfants – et comment chaque victime fait face à son traumatisme. J’ai le sentiment de l’avoir écrit exactement au bon moment pour moi.

Les quatre histoires se connectent entre elles au fil de la lecture. Saviez-vous dès le départ comment elles allaient s’assembler ?

Au Royaume-Uni, les quatre histoires ont été publiées individuellement tous les six mois, donc je savais que j’écrirais Feu, la troisième partie, alors qu’Eau, la première, était déjà en librairie. Idem pour Air et Terre. Je devais donc me dire que, quoi que j’écrive, j’y étais engagé. Je ne pouvais pas revenir en arrière et changer quelque chose.

C’était un peu comme ces romans du XIXe siècle qui étaient publiés en feuilleton. Une fois un chapitre écrit, l’auteur ne pouvait plus le réécrire. À part les quatre perspectives – l’acquiescement, la complicité, le coupable, la victime – je ne savais rien du roman lorsque j’ai commencé. Je me suis simplement fait confiance pour trouver les histoires au fur et à mesure que j’y arrivais.

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Pour finir, pouvez-vous nous partager votre sentiment après avoir reçu ce Prix du roman Fnac 2025 ? Qu’est ce que cela signifie d’avoir autant d’impact sur les lecteurs en France ?

Cela signifie énormément pour moi. C’est réellement l’un des plus merveilleux honneurs que j’ai reçus dans ma vie d’écrivain. Je sais combien la littérature compte pour les Français et à quel point ils sont attachés à toutes les formes d’art, alors, voir mon roman distingué parmi tant d’autres livres remarquables me touche profondément.

Chaque écrivain souhaite atteindre le plus de lecteurs possible, et j’espère que ce prix permettra à mon nouveau roman ainsi qu’à d’autres de mes livres d’attirer l’attention. Je suis très reconnaissant envers le jury de libraires et de lecteurs qui ont choisi mon livre, ainsi qu’à la Fnac pour son soutien continu sur une récompense si prestigieuse.

Les éléments, de John Boyne, Prix du roman Fnac 2025, Éditions JC Lattès, 512 pages, depuis le 20 août 2025 en librairie.

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