Comment définir l’intérêt grandissant du public pour cette sous-catégorie de la soul music sans tomber dans un verbiage compliqué, voire bêtement pointu ? Et pourtant, on cause aujourd’hui d’une scène musicale dont la simplicité et l’impact direct sur les auditeurs font depuis quelques années des ravages en streaming, dans les bacs, sur les réseaux et enfin, sur scène.. A l’image de certains groupes tel que Thee Sacred Souls qui, aujourd’hui, joue systématiquement à guichets fermés.
Signe d’une époque mouvementée qui va décidément trop vite et qui nécessite implacablement un ralentissement général, on assiste depuis une poignée d’années à un véritable revival de ce que l’on nomme communément « sweet soul » ou « lowrider soul ».
Sous-genre de cette soul music aux multiples facettes, le registre s’apparente à celui des ballades. Un truc confortable, sexy et enveloppant, porté par des mélodies accrocheuses et dangereusement aguicheuses.
De la soul en slow-motion
Des « love songs » aux balancements lascifs, des tempos au ralenti, des basses ronflantes, des intros taquines, des breaks et des refrains appuyés par des orchestrations dont la simplicité apparente ne fait que redoubler le tour de force des vocalistes, actrices et acteurs principaux de ce génial théatre romantique : l’efficacité est imparable, comme l’illustrait en 2020 ce titre totem du génial trio de San Diego, Thee Sacred Souls !
Et que dire de cette Vicky Tafoya, pleine de dramaturgie rock’n’roll, découverte il y a quelques années sur l’excellente compilation Penrose Showcase Volume 1 ?
Le volume 2 arrive d’ailleurs très bientôt, précommande possible juste ici :
Multiculturelle, intergénérationnelle et nomade
Construite sur les harmonies vocales héritées du doo-wop, comme ces balades R&B que quelques grands noms d’hier ont immortalisé (Otis Redding, Sam Cooke, Etta James…), cette « niche » musicale qui fédère aujourd’hui un public toujours plus nombreux était historiquement – dans les années 50’s & 60’s – prisée des communautés latines basées en Californie qui en ont fait leur bande-son, au même titre que les musiques racines du Mexique voisin (ranchera, bolero, tejano…).
D’ailleurs, et c’est là toute la finesse de cette soul extatique, on retrouve au détour d’un titre, d’arrangements de cuivres et d’un couplet, des ingrédients typiquement « cholos »*.
Une guitare tex-mex, un violon huastèque, un refrain spanglish… Cet ensemble donne une couleur particulière, créolisant de fait cette soul music qu’on associe généralement aux afro-américains.
*cholos : Dans certaines parties des États-Unis, « cholos », « cholas » et « cholitas » sont des termes d’argot américain désignant des personnes d’origine latino-américaine (habituellement mexicaines), à faibles revenus, des « durs » qui peuvent porter des vêtements stéréotypés. Le terme « cholo » a été adopté comme un symbole de fierté dans le contexte des mouvements ethniques des années 1960. Source : Wikipédia.
Mais le monde bouge, les musiques circulent, les échanges sont désormais mondiaux et ces vibrations alanguies ont trouvé un écho dans d’autres régions du monde, de la Finlande (Bobby Oroza)… Jusqu’en Indonésie (Thee Marloes).
Lowrider, kézako ?
Si le terme de « sweet soul » parle de lui-même (excepté peut-être pour ceux dont l’anglais serait au niveau de la célèbre « vache espagnole »), l’allusion à la culture des lowriders est peut-être un peu moins perceptible de ce côté-ci de l’Atlantique. Je tente un peu de pédagogie autour de cette alliance entre musique et mécanique ci-dessous :
Imaginez une sorte de tunning « vintage » californien. Un truc que les fans de rap west-coast des années MTV ont dû voir dans les clips diffusés en boucle à la grande époque du G.Funk (années 80 et 90), mais qui trouve son origine dans la contre-culture américano-mexicaine des années 40/50.
Une différence majeure néanmoins : en Europe, le tunning évoque surtout la vitesse, des modèles sportifs et les assourdissants BPM des remix techno, EDM et dance, quand les lowriders font tout l’inverse et customisent des vieilles bagnoles pour les abaisser au maximum (low rider = rouler bas) et ainsi parader au ralenti lors de réunions carrossées.
Il ne vous reste plus qu’a faire le lien avec cette soul (et ce revival qui va avec) aux faux airs romantiques, dont les tempos roucoulants collent parfaitement avec ce hobby motorisé qui, depuis des décennies, reste très populaire chez la jeunesse californienne (où, pour rappel, la voiture est reine). Une jeunesse qui en toute logique s’inspire du passé pour inventer son présent et son futur, en continuant de faire vivre cette contre-culture fascinante. Vous êtes encore à bord, ou je vous ai perdus en route ?
Néo-rétro soul
Des groupes en The, en Los et en Thee, on en a des stocks ! Pourquoi ce doublement de voyelle d’ailleurs ? Plusieurs théories, mais la plus probable serait le clin d’œil aux légendaires pionniers Thee Midniters, fleuron soul/garage/R&B chicano et inspiration majeure de la scène actuelle, qui voulait se distinguer du célèbre groupe de Hank Ballard (The Midnighters) tout en adoptant les codes linguistiques des gangs de leur quartier.
Ils s’appellent donc Thee Sacred Soul, Thee Sinceers & Joey Quinones, Thee Marloes, Los Yesterdays, Thee Heart Tones, Jensine Benitez, The Altons, Vicky Tafoya, Thee Lakesiders, Bobby Oroza, Johnny Ruiz & The Escapers… Une liste qui n’en finit pas de s’agrandir, et ce ne sont pas les fans de soul « à l’ancienne » qui s’en plaindront.
Vos billets pour THEE SACRED SOULS ici
Vos billets pour THEE SINCEERS & THE ALTONS ici
Ne ratez surtout pas les quelques concerts à venir (trop rares sous nos cieux pour être loupés) et plongez-vous dans cette playlist qu’on vous a concoctée pour l’occasion :