Avec déjà 10 ans au compteur, les Goguettes (en trio mais à quatre) ont remis au goût du jour l’art de railler en chanson l’actualité dans toute sa diversité. Ces chansonniers des temps modernes sont de retour pour un « troisième quinquennat »… qui va faire grincer des dents !
Qu’est-ce qu’un chansonnier ?
Pour les jeunes générations, « chansonnier » est probablement un mot inconnu. Et pourtant, le chansonnier est un artiste qui a eu ses heures de gloire au XIXe siècle (Aristide Bruant) et au XXe, avec notamment Francis Blanche, Pierre Dac, Bernard Mabille, Pierre Doris… Auteur de sketches ou de chansons sur l’actualité, en particulier dans le domaine politique, le caractère satirique est sa marque de fabrique. Acerbe, drôle, caustique, mordant, le verbe est souvent incisif. Et au XXIe siècle, on peut affirmer que les Goguettes en sont les héritiers. Leur art ? Pasticher des chansons connues.
L’aventure des Goguettes (en trio mais à quatre)
La goguette est une parodie de chanson connue réécrite pour parler de l’actualité en prenant le parti d’en rire. Dans les années 2000, le genre est plébiscité par un public de plus en plus nombreux qui vient assister à un spectacle tous les lundis soirs au Limonaire. En 2009, Stan y chante et Clémence Monnier y accompagne des chansonniers. Enfin, Aurélien Merle et Valentin Vander (auteurs, compositeurs, interprètes) se joignent à cette joyeuse équipe qui fait la réputation de la salle de spectacle. Ce n’est que quelques années plus tard que les 4 loustics s’unissent pour former les Goguettes (en trio mais à quatre). Leur art : prendre des chansons du répertoire français et en changer les paroles en traitant de l’actualité. Ils brocardent tout : les hommes politiques de tous bords comme les grands sujets d’actualité en passant par les petites polémiques puériles. Tout y passe. Leur sens de la caricature est plus que piquant. Ils ont de qui tenir, eux qui ont regardé les Guignols, lu Le Canard Enchaîné ou Charlie Hebdo, écouté Renaud. Le trio mais à quatre s’inscrit dans la lignée de ses maîtres.
Le Limonaire laisse place au fur et à mesure à d’autres théâtres plus grands et même au Festival d’Avignon. Le confinement et l’épidémie de Covid vont les faire passer à un niveau encore supérieur. Leurs vidéos vont les propulser aidés par les réseaux sociaux puis par les médias qui se les arrachent.
Depuis 2013, trois albums ont déjà vu le jour. En 2017, Le changement c’est doucement puis en 2019, Globalement d’accord enfin Le temps béni de la pandémie en 2020.
Si j’étais un homme (Diane Tell) devient Je ne suis pas un surhomme ; Bidon (Alain Souchon) J’suis Fillon ; Femme libérée (Cookie Dingler) Ne la fais pas bosser, Allumer le feu (Johnny Hallyday) Allumer le pneu, Vesoul (Jacques Brel) T’as voulu voir l’salon… En changeant les paroles, ils pastichent et caricaturent l’actualité, la société, ses travers, ses modes, ses hommes politiques de droite comme de gauche. Tout ce qui fait parler passe à la moulinette. Il y a eu bien sûr la pandémie mais aussi des questionnements sociétaux sur le mouvement vegan, les bobos, sur le burkini, le voile, les banques (et les comptes cachés), les affaires Benalla ou Balkany. L’ambition des Goguettes est d' »être dans l’humour, l’ironie, le second degré ou la caricature » (20 minutes, mars 2020).
Troisième quinquennat : chronique d’une actualité foisonnante
La bande est de retour dans les bacs et avec un nouveau spectacle. Troisième quinquennat annonce vite la couleur. Dès le premier titre, leur satire toujours aussi affûtée croque tout. Sur l’air de La fête de Michel Fugain, on raille dans le désordre les punaises de lit, Poutine et Joe Biden au pouvoir, le glyphosate, la folle jeunesse des sénateurs, le chômage, les innondations, l’Ukraine, le Moyen Orient en feu… Passent ensuite au crible Cyril Hanouna (La tribu de Dana de Manau), l’arrivée de Rachida Dati au ministère de la Culture (Oh Gaby d’Alain Bashung), l’ascension de Marine Le Pen (Java des bombes atomiques de Boris Vian), la solitude politique de Manuel Valls (Laissons entrer le soleil de Julien Clerc – Hair), la crise climatique et les sceptiques (Qui c’est celui là de Pierre Vassiliu).
C’est drôle et ça fuse dans tous les sens ! Les textes sont tranchants, perspicaces, espiègles et malicieux. Bref, les Goguettes ne dérogent pas à leur réputation. Pour celles et ceux qui s’intéressent de près (ou même de très loin) à l’actualité, les Goguettes photographient, par leur verbe inventif, le monde qui nous entoure. Leur dernier opus offre une source de réflexion et de divertissement. Seule nécessité préalable : avoir un peu de dérision.