L’instant Lire à la Fnac : le rendez-vous de toutes les littératures à ne pas manquer. Baptiste Liger, directeur de la rédaction du magazine Lire – Le Magazine Littéraire, partage ses conseils de lecture. Elles s’appellent Emma, Sylvie ou Matilda… Leur point commun ? Leurs prénoms ont donné le titre à une roman ! On vous en dit plus…
On sort le calendrier des postes !
Baptiste Liger : « Le titre d’un roman, c’est parfois comme la naissance d’une petite fille, à savoir, le choix d’un prénom. Allez, on sort le calendrier des postes.
On ne les compte plus, en effet, tous ces romans qui ont pour intitulé un prénom féminin connu ou pas. Et ça, ça n’a rien d’un hasard ou d’un phénomène de mode.
De nombreux paramètres peuvent ainsi rentrer en compte. Simplement des raisons phonétiques parce qu’on trouve qu’un prénom est beau. On peut aussi insister pour ce prénom en titre parce qu’on veut montrer de manière très explicite qu’il s’agit d’un portrait de personnage féminin et qu’on tient absolument à mettre en avant cette héroïne.
Mais bon, il y a parfois des considérations un peu plus triviales. En effet, certains éditeurs n’oublient jamais que dans le cadre de la fiction, il y a 80% de lectrices pour 20% de lecteurs et donc, dès lors, féminiser un objet dès son titre, ça peut le mettre davantage en avant.
Elles ont inspiré de grands auteurs
Cette tendance n’a rien de bien neuf puisqu’elle remonte à l’antiquité avec les grandes tragédies grecques, romaines ou bien encore raciniennes avec Andromaque, Phèdre ou Bérénice.
Et il y a évidemment eu des disciples, notamment en France avec Mérimée. Carmen, évidemment, la grande Carmen. Ou Colomba qui est un petit peu moins connue.
Ou bien encore, plus inattendu, Marcel Pagnol. Parce que Pagnol, on le présente comme un écrivain parfois un peu folklorique ou pittoresque. Erreur ! Relisez, par exemple, Fanny et vous allez voir l’influence de la tragédie, c’est évident.
La littérature française regorge de ces cas, de Gérard de Nerval à George Sand en passant par Marguerite Duras, Colette ou encore Louis Aragon.
Le phénomène n’a d’ailleurs rien de franco-français. On va aller du côté des anglo-saxons avec trois exemples très célèbres. Matilda, la petite héroïne de Roald Dahl, parce que oui, cela concerne aussi la littérature jeunesse. L’entremetteuse Emma de Jane Austen, beaucoup moins ingénue qu’on ne le dit. Ou bien encore la sulfureuse, malgré elle, Lolita de Vladimir Nabokov, un prénom désormais très connoté.
Mais s’il y a bien un genre qui fait perdurer la tradition du prénom titre, c’est certainement le thriller. À l’image du chef d’œuvre absolu de Daphné du Maurier adapté par Hitchcock, Rebecca.
Certains auteurs en ont même fait leur marque de fabrique, leur griffe. Voyez Stephen King qui a quand même signé Carrie, Jessie, Charlie ou bien encore Christine, même s’il s’agit là d’une voiture.
Et méfiez-vous des imitations car parfois, derrière un prénom titre, il y a plusieurs ouvrages. Betty, par exemple, c’est à la fois un roman de Georges Simenon, un thriller d’Arnaldur Indriðason et aussi un roman noir de Tiffany McDaniel qui avait d’ailleurs reçu le Prix du roman Fnac.
La Lucia de Bernard !
C’est aujourd’hui au tour de Bernard Minier de baptiser son roman du prénom de son héroïne. Elle s’appelle Lucia et vous allez l’adorer.
L’auteur de Glacé nous fait suivre les méandres de l’enquête de sa nouvelle inspectrice espagnole qui doit élucider une obscure affaire, à savoir, une série de meurtres imaginés à partir de peintures de la Renaissance, elles même inspirées par les Métamorphoses d’Ovide. Bigre !
Lucia, c’est du pur Bernard Minier, tout à fait dans la lignée des investigations de son héros fétiche Martin Servaz. À savoir une scène introductive choc, des rebondissements à gogo et un final glaçant, forcément glaçant. Les amateurs seront aux anges.
Grâce à ce cru 2022, Bernard Minier donne tort à notre Pascal Obispo national qui chantait dans Lucie, « c’est pas marqué dans les livres ». Avec Lucia, c’est marqué sur le livre. »
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