Entretien

Niki Demiller : un artiste qui voulait vivre sa vie !

29 avril 2021
Par Manue
Niki Demiller : un artiste qui voulait vivre sa vie !

Voici encore une rencontre fortuite qui m’a permis de faire la découverte d’un bel artiste ; Niki Demiller. Comme pour Alban Claudin, celui-ci s’est déplacé à la Fnac Saint-Lazare pour voir la mise en place de son album. S’en est suivie une conversation et l’écoute de son premier album, conceptuel, bien loin du mainstream mais particulièrement intéressant dans son approche personnelle et presque cinématographique.

Niki Demiller : de l’effervescence de son groupe Brats à une vie de VRP fade

Brats 1980Personnellement ce nom ne me disait rien pourtant Niki Demiller n’en est pas à ses tout débuts en matière musicale. En effet, il a été le chanteur d’un groupe punk-rock adolescent, The Brats dans les années 2000, avec qui, excusez du peu, il fait les premières parties d’Iggy Pop and the Stooges au Zénith et des Buzzocks au Printemps de Bourges.

C’est à cette époque qu’éclosent pas mal de jeunes groupes de rock comme les Naast ou les Plasticines.

Mais tout a une fin. Après un premier album 1980, le groupe se sépare et Niki fonde le festival Rock sur Marne et sort un EP qui ne rencontre pas son public. Il met sa vie musicale sur pause.

Après 10 ans passés dans la publicité en tant que VRP (expérience visiblement douloureuse et peu épanouissante), Niki revient à ses amours de jeunesse, la musique grâce à un FONGECIF. Après plusieurs projets, notamment en lien avec le cinéma, il a sorti le 23 avril 2021 son premier album. Une vraie renaissance pour cet artiste.

La renaissance d’un artiste qui s’était oublié

Demiller Autopsie-de-l-homme-qui-voulait-vivre-sa-vieDans Faces, un webzine pop, Niki dit qu’il a voulu « faire un concept album sur le monde du tertiaire, du service. J’ai bossé là-dedans pendant 10 ans, et j’ai tellement sillonné l’Ile de France pour mon travail, circulé en Autolib, au bout d’un moment j’ai eu envie de raconter ça : le périphérique parisien, les chambres d’hôtel des VRP en déplacement, le rendez-vous commercial qui se joue comme un duel. Et en faisant le clip de L’aventure il y a un an et demi à la Défense, ça m’a vraiment donné envie de raconter cette histoire. ». «Je ne veux pas avoir l’air de critiquer le milieu du travail. Maintenant que je fais de la musique, je veux dresser un tableau poétique d’un quotidien qui n’a rien d’artistique et qui est le quotidien de milliers de gens dans le monde. Je ne suis pas un porte-parole. Mais en vivant ça, il y avait des images qui me venaient, et comme je l’ai perçu de manière violente parce que ce n’était pas la vie pour laquelle j’étais fait, je le transforme », ajoute-t-il.

Cet album pop aux réminiscences rock voire punk, avec l’apparition de Didier Wampas, Autopsie d’un homme qui voulait vivre sa vie peut-être vu comme l’expression du blues du businessman. Mais contrairement, au businessman de Starmania, Niki vit aujourd’hui son rêve. Faire de la musique sa vie et inversement. Peut-être cathartique mais en tout cas, très vrai, ce premier album d’un ex cadre VRP prouve que le choix de revenir à ses amours a été le bon, lui le fan de Bowie, des Talkings Heads, de Bertrand Burgalat et de Michel Houllebecq.

Vous êtes curieux, aimez les découvertes impromptues, je vous invite écouter cet objet musical non identifié dont la profondeur, la dérision, le propos pourraient indirectement amener certains ou certaines à peut-être se replonger dans leurs rêves d’avant, ceux qu’ils ou elles ont laissés en chemin. 

Septembre à nouveau 

L’asphalte

Portrait Chinois de Niki Demiller

Si vous étiez un animal, quel serait-il ?

Je serais un chien. Un labri des Pyrénées. Fidèle. Joueur insatiable et optimiste contre vents et marées. Parfois tête en l’air, et fatigant, avec son surplus d’énergie et ses angoisses.

Si vous étiez une fleur, quelle serait-elle ?

Je serais un chardon de montagne. Cette plante qui aime à se développer en terrain aride sait se protéger avec son collier d’épine et offre quand elle s’épanouit de belles fleurs. Elle ne sent hélas pas toujours très bon, ultime stratagème de défense.

Si vous étiez un arbre, quel serait-il ?

Je serais un pommier. Dans un coin de jardin. Que l’on oublie parfois lorsqu’il fait son petit travail, et qui sait rendre les gens heureux avec ses pommes croquantes et acidulées.

Si vous étiez une saison, quelle serait-elle ?

Je serais l’automne. Cette saison aux couleurs ambrées merveilleuses. Où il fait encore assez doux pour aller se promener sans craindre le soleil. Une saison de passage. Où tout est encore possible. Une période propice à l’apaisement, la concentration, l’écriture et la créativité.

Si vous étiez un paysage, quel serait-il ?

La chaîne des Pyrénées vue depuis le château d’eau surplombant le petit village où j’ai passé les vacances mon enfance. Le pic du midi sortant du brouillard, surplombant la vallée de Lannemezan. Cette région si sauvage, solitaire et majestueuse. Où j’aime tant m’isoler pour travailler et composer.

Si vous étiez une devise (dicton), quelle serait-elle ?

« Être libre consiste à connaître les limites de sa prison. »

Je fonctionne ainsi en création. Je me demande toujours quelles sont mes possibilités par rapport aux contraintes. C’est une excellente définition de l’acte de production à mon sens. Il n’y a rien de pire en musique que de se dire que tout est possible. Dès qu’un énoncé apparaît, une contrainte, je me frotte les mains et me dis que je vais pouvoir explorer l’envers des possibles. D’où, peut-être, cette envie de concept album.

Si vous étiez un adjectif, quel serait-il ?

Résilient. Je ne pense pas être un artiste au talent démesuré. Je n’aime pas spécialement ma voix. Je ne m’aime pas beaucoup, de fait je suis très critique et intransigeant sur mon travail. Mais j’adore être derrière l’instrument. J’oublie tout en jouant du piano. Et je suis un bourreau de travail. Je peux jouer autant de temps qu’on me l’autorise. Et j’aime les chansons. Toutes les chansons. Je voudrais toutes les connaître. Spécialement celles du répertoire francophone.

Si vous étiez une couleur, quelle serait-elle ?

Le bleu, sans hésiter. Le bleu du ciel, de l’horizon, de l’eau et des vacances. Le bleu des rêves et parfois le bleu sombre des cauchemars. De l’inconnu. Le ciel bleu de l’aventure, où l’on part en voiture avec ses camarades, sans destination précise.

Si vous étiez une émotion, quelle serait-elle ?

L’envie. Rien que l’envie. Tout le reste n’est que vent et poussière. L’envie peut vite s’envoler quand on fait de la musique pour de mauvaises raisons, ça m’est déjà arrivé… On ne crée pas pour plaire ou se faire remarquer. On crée parce que c’est un besoin vital, une envie incompressible. Quand on avance dans la vie avec envie tout devient possible, il n’y a plus de limite. On peut alors passer tous les obstacles avec le sourire. Je travaille sur mon envie. Je ne sais pas toujours où elle se trouve. Je ne veux jamais la brusquer. Je la respecte comme étant parfois capricieuse et indécise. Parfois elle prend son temps, s’égare, mais finalement elle vient toujours me rendre visite lorsque je travaille.

Si vous étiez une odeur, quelle serait-elle ?

L’odeur de l’herbe après la pluie. Cette odeur rassurante qui me fait penser à l’innocence de mon enfance.

Si vous étiez un hashtag, quel serait-il ?

Cela serait #autopsiedelhommequivoulaitvivresavie ! Le nom à rallonge de mon premier album.

L’analyse d’un égarement pour finalement se retrouver. Une petite révolution personnelle, où l’on dégomme toutes les barrières que peut semer en nous la peur. La peur de l’échec, de la réussite. La peur de se montrer. La peur d’être jugé C’est de la mort de ces peurs dont je souhaitais faire l’autopsie !

Si vous étiez une personnalité artistique, quelle serait-elle ?

Michel Legrand. Le jeune punk que j’étais était un peu à l’étroit dans le monde du rock. Et j’aimais à mourir les bandes originales du cinéma de Demy. De fait je suivais Michel Legrand à chacune de ses apparitions sur scène. En chef d’orchestre, pianiste jazz, chanteur d’improvisation… J’aurais pu dire également Lou Reed… ou Iggy Pop. Vous constaterez le grand écart ! J’aime travailler avec mes goûts, avec ce que je suis. Personne bancale et sans étiquette aux goûts bizarres.

Si vous étiez une personnalité historique, quelle serait-elle ?

Je voue une fascination à mon arrière-arrière grand-père, Ievgueni Karlovitch Miller. Lieutenant-général en 1915, chef des Armées blanches dans le nord de la Russie en 1919-1920, pendant la guerre civile russe. Non pas que je partage spécialement ses luttes, mais j’étais très, très proche de sa petite fille, ma grand-mère Hélène, emportée prématurément par le cancer. C’est à ce moment que j’ai choisi « Demiller » comme nom pour la scène. En hommage à elle, et à cette famille d’aventuriers d’Europe de l’est. L’enlèvement du général Miller en plein Paris par le KGB a inspiré à Eric Rohmer l’un de ses derniers films Triple Agent.

En mot de la fin qu’aimeriez-vous dire à celles et ceux qui ne vous connaissent pas afin qu’ils aient la curiosité d’écouter votre art ?

Durant six années j’ai tourné le dos à ma vocation. J’aimais la musique plus que tout pourtant, elle m’avait déjà sauvé la vie lorsque j’étais adolescent. J’ai dû aller au bout du tunnel. Me trahir, me mentir, me salir. Lorsque j’ai finalement eu la chance de toucher le fond, je n’avais d’autre choix que de réagir. J’ai quitté mon travail alimentaire, et j’ai pris tous les risques avant la trentaine pour repartir de zéro. Ce jour-là, ma vie a changé. J’ai tenté à travers ce premier album de transcrire ces sentiments profonds. La peur, le doute, puis le passage à l’acte, le départ pour la grande aventure. Ce disque est formulé comme une invitation à l’émancipation, un appel à l’éveil, à prendre conscience de ses forces en bousculant tous les interdits !

Ce premier opus est le résultat d’une quête d’un homme fermement décidé à reprendre sa vie en main et à se débarrasser d’une vie professionnelle monotone qui finissait à déteindre sur sa vie personnelle C’est inventif, original. Bref, recommandé. 



Article rédigé par
Manue
Manue
Disquaire à la Fnac Saint-Lazare
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