Entretien

Rentrée littéraire : interview de Svenja O’Donnell pour Inge en guerre

17 juillet 2020
Par Anastasia
Rentrée littéraire : interview de Svenja O’Donnell pour Inge en guerre

Pour cette rentrée littéraire retrouvez Svenja O’Donnell avec Inge en guerre aux éditions Flammarion. Le vrai récit d’une femme pendant la guerre, gardant enfoui en elle-même toute sa vie, le lourd poids du secret.


« Je crois que j’aurais voulu dire à Inge : “Écris-lui une lettre, explique-lui, raconte-lui ce que tu as sur le cœur .” […] J’avais le sentiment pour la première fois que j’avais un lien avec ce pays oublié. »

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Svenja O’Donnell : « Être moitié allemande c’est une identité compliquée. Quand en école primaire j’ai appris l’histoire du Troisième Reich, je donnais à ma famille un passé de résistant. Adulte, je craignais de découvrir le contraire. Je ne savais pas grand chose sur le passé de ma grand-mère, c’était une femme d’une certaine froideur. Je savais qu’en 1945 elle avait fui Königsberg, ma mère dans ses bras, à l’arrivée de l’Armée rouge, mais elle n’en parlait jamais. Tout a changé il y a treize ans, quand elle a commencé à me confier son passé. »

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Qu’est-ce qui vous a semblé le plus difficile dans votre travail d’enquête ?

« Une des choses les plus difficiles, c’était de réconcilier mes instincts de journaliste avec mes instincts de protéger ma famille. J’avais toujours la journaliste en moi qui voulait pousser plus loin, poser plus de questions. Mais finalement, le fait de fouiller dans le passé de ma propre famille m’a parfois poussé à avoir un peu plus de patience, à attendre, à laisser venir les choses vers moi. Et je crois que finalement, j’avais sous-estimé le poids que le passé pouvait avoir, non pas juste sur mes proches mais aussi sur la façon dont je voyais le monde. »

Qui était Inge Wiegandt ?

« Inge avait 15 ans quand la guerre a éclaté. Et comme toutes les adolescentes, elle ne rêvait que d’une chose, de quitter le nid. Donc à 16 ans, elle part faire ses études à Berlin, y rencontre un jeune homme passionné de jazz et qui ne voulait pas être soldat. Ensemble, ils dansent le swing, une musique que les nazis avaient interdite, et tombent fous amoureux. La guerre les rattrape, il est envoyé au front et capturé par l’armée soviétique. Inge est enceinte, rentre chez ses parents à Königsberg, et en 1945, elle doit fuir et devient réfugiée, d’abord au Danemark puis ensuite dans une Allemagne du Nord complètement détruite.

La paix ne met pas fin au drame de Inge. Elle porte un secret qui la séparera de son amour pour toujours, un secret qu’elle gardera pendant plus de soixante ans. »

Quelle image saisissante gardez-vous à l’esprit ?

« Une des histoires qui m’a le plus bouleversée est celle de Dorothea. Le fait qu’une femme survive à la guerre et à un régime extrémiste qui a bouleversé sa vie pour ensuite être jugée en tant que femme qui avait eu l’audace de quitter son mari et de vivre ses passions, par une société qui l’avait complètement abandonnée, m’a vraiment mise en rage. Quand j’ai lu sa lettre, cette lettre qui avait été oubliée pendant très longtemps, ce cri de cœur qu’elle avait écrit peu avant son suicide… J’ai ressenti une tristesse et une colère qui sont restées avec moi pendant très longtemps. »

Que vous ont appris les silences d’Inge ?

« Tout le monde a une histoire, même quand on la vit du mauvais côté. Et l’histoire de Inge m’a poussée a redéfinir ma propre identité, à me poser une question qu’on devrait tous garder en mémoire : “Qu’est-ce que moi j’aurais fait dans le même cas ?”

J’avais toujours imaginé les Allemands, pendant cette période, soit complices du nazisme, soit résistants, mais dans l’histoire de Inge j’ai trouvé un entre-deux. La réalité des Allemands ordinaires et surtout celle des femmes qui ont vécu leur guerre, non pas au front mais chez elles, et dont la motivation était tout simplement de survivre. »

Avez-vous des regrets ?

« Non, je n’ai pas de regrets parce que même s’il reste des choses à découvrir, même s’il y a des questions que j’aurais pu poser, sachant ce que je sais maintenant, je pense que j’ai compris Inge en tant que femme. Et pour moi, c’est ce qu’il y a de plus important. »

Paru le 26 août 2020 – 368 pages

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Pierre Guglielmina

Article rédigé par
Anastasia
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