Née à l’Île de la Réunion, Marion Montaigne s’est formée à l’art graphique dans la prestigieuse école Estienne et
aux Gobelins. Elle a travaillé chez TF1 dans l’animation, a été illustratrice et a participé à l’aventure Les Autres
Gens (une bédénovella en ligne). Mais c’est la série Tu mourras moins bête qui l’a rendue célèbre : d’abord un blog
de vulgarisation scientifique créé en 2008, des albums BD depuis 2011 et une série animée sur Arte.
1. Quelle est la BD qui vous a donné envie d’en faire?
Marion Montaigne : L’envie de faire de la BD ne m’est pas venue comme ça, comme une étincelle, par la sainte illumination provoquée par un livre en particulier. C’est une envie qui s’est sédimentée lentement d’abord en étant impressionnée par des images, comme celles de Quentin Blake, Tomi Ungerer, de Zdenek Burian ou de Peter Spier. Après j’ai découvert la BD, via Yakari, Tom-Tom et Nana qui m’ont familiarisé avec cette narration. Mais je n’ai pas de BD « révélation ».
2. Quelle est la BD qui vous a fait le plus pleurer ?
Probablement Le Photographe d’Emmanuel Guibert. J’ai lu les deux tomes d’une traite. Et évidemment j’ai versé ma larme au tome deux. Je n’en reviens toujours pas de la faculté de Guibert de réussir à relater une aventure comme si c’était la sienne. Il faut un niveau d’empathie infini pour y parvenir. Quartier lointain de Jirō Taniguchi aussi m’avait beaucoup émue.
3. Quelle est la BD que vous auriez aimé écrire ?
Pour leur virtuosité scénaristique et dessinée, c’est Révolution de Younn Locard et Florent Grouazel (éditions de L’An II). Au niveau du dessin, c’est tout simplement époustouflant sans être rigide. Je n’ai jamais vu une BD ou même un film historique dans lesquels les « figurants » semblent vraiment aller bosser, tailler des pierres et porter des choses. Tout est nickel, vivant, même les monuments échappent à une rigidité architecturale. Et puis scénaristiquement, c’est un travail incroyable, cinématographique, ambitieux, superbement documenté et intelligent. Étant donnée que je suis nulle en histoire…
4. Quelle est votre BD culte ?
Je pense que c’est Akira de Katsuhiro Ōtomo. Quand vous êtes biberonnée aux Disney, aux récits un peu manichéens, où les héros sont polis comme Spirou, droits dans leurs bottes comme Tintin ou bien gentille comme Natacha hôtesse de l’air, ça fait du bien, ado, de découvrir Akira. Des jeunes rebelles furieux, des corps monstrueux, de la violence, de l’apocalypse, de l’explosion et des tripes. C’est parfait à l’adolescence, à une période où vous voudriez tout péter alors qu’on exige de vous que vous soyez Tintin ou Natacha…
5. Quel est votre premier gros choc de lecture ?
Akira. Mais pour ne pas faire monomaniaque, j’ajouterais plus récemment Cruelle de Florence Dupré La Tour. C’est la seule BD dans laquelle je me suis enfin reconnue petite fille. Notamment dans une case précise où on voit une gamine échevelée, énervée, sortant de forêt, un bâton à la main, qui n’a absolument pas envie de rentrer dans une salle pour apprendre le catéchisme (ou répondre à l’appel de ses parents). À chaque fois que je lis du Dupré La Tour, je découvre quelque chose que je n’ai pas vu ailleurs.
6. Quel est le film ou la série que vous rêveriez d’adapter en bande dessinée ?
La série de HBO, Chernobyl (orthographe américaine). Peu de temps avant de la voir, je lisais justement des articles sur Fukushima. J’avais lu le manga Au cœur de Fukushima de Tatsuta Kazuto mais j’étais restée un peu sur ma faim et, dans la foulée, La Supplication de Svetlana Aleksievitch qui a probablement beaucoup aidé à écrire la série sur Tchernobyl. Bref, je me disais que c’était tout de même un sujet incroyable pour de la BD ou autre. J’avais ça dans un coin de ma tête et puis j’ai vu la série Chernobyl. Les reconstitutions sont incroyables. J’aurais aimé avoir fait aussi brillant en BD.
7. Quelle est la BD qui vous a fait le plus rire ?
Alors je suis une lectrice super dur en humour. Je ne ris quasiment jamais. De temps en temps, je ris intérieurement, et rarement je glousse. Et là c’est le podium, l’épiphanie ! Ceux qui m’ont fait rire (sonorement) c’est Bouzard quand il traîne son chien Flopi en brouette (The autobiographie of me too), Blotch de Blutch, le cours de sport de Retour au collège de Riad Sattouf et Goossens (Encyclopédie des bébés ou La Vie d’Einstein).
8. Quelle est la BD qui vous a fait le plus rêver ?
Je suis pas très contemplative en bande dessinée, ça me rappelle trop le boulot. Mais je crois que j’aime énormément me perdre dans l’ambiance des BD des Mondes d’Aldébaran de Léo (alias Luiz Eduardo de Oliveira). J’adore ces planches où apparaissent des êtres vaporeux, silencieux…
9. Quelle est la BD que vous relisez sans jamais vous en lasser ?
Enfant, c’était Le Secret de Petit Tonnerre de Yakari. Parce que c’était clairement la BD du rite initiatique, de l’enfant qui quitte l’autorité, pour vivre sa vie, frôle la mort et revient, plus adulte. Aujourd’hui… je pense que ce serait du Goossens. N’importe lequel. Un Georges et Louis.
10. Quelle est la BD que vous conseilleriez à quelqu’un qui n’a jamais lu de BD de sa vie ?
Ça dépend de l’âge du lecteur et de ses goûts ! Mais en vrac : Rosalie Blum de Camille Jourdy, Dr Slump, n’importe quel Fabcaro…
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