Entretien

Sexe et mensonges : rencontre avec Leïla Slimani

08 septembre 2017
Par Pauline
Sexe et mensonges : rencontre avec Leïla Slimani

Suite à la parution du livre Dans le jardin de l’ogre, un roman qui aborde la thématique de l’addiction sexuelle, Leïla Slimani est partie à la rencontre de ses lectrices marocaines. Face à cette écrivaine franco-maghrébine décomplexée qui aborde la sexualité sans tabou, la parole se libère. Des témoignages intimes souvent déchirants.

Votre livre n’est ni une étude sociologique ni un essai sur la sexualité au Maroc. Ce sont des paroles brutes de femmes. Pourquoi ont-elles accepté de se livrer, de briser des tabous ?

Leïla Slimani : La première rencontre est le fruit du hasard. Une femme est venue me parler et j’ai ensuite eu envie de prolonger cette discussion, et de m’adresser à d’autres femmes. J’ai tout de suite eu le sentiment que la question de la sexualité des femmes était passionnante, d’abord parce qu’elle est taboue et ensuite parce qu’elle représente aujourd’hui un enjeu majeur. Elle a des incidences politiques, économiques, sociales et culturelles. Je crois que si ces femmes ont accepté de se livrer, c’est parce qu’elles avaient besoin d’être écoutées sans être jugées et sans recevoir de leçon de morale. Et peut-être voulaient-elles aussi témoigner pour sortir d’une certaine solitude.

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Les témoignages révèlent le malaise d’une société hypocrite dans laquelle la femme ne peut être que vierge ou épouse. Espérez-vous que votre livre fasse évoluer les mentalités de ce pays ?

J’espère en tout cas que cela pourra ouvrir un débat serein et nuancé. La société marocaine est une société complexe, en transition. Une société dans laquelle vivent ensemble des conservateurs et des modernistes, des religieux et des athées. Pour moi, l’essentiel est que l’on continue à pouvoir vivre ensemble, et que les libertés de chacun soient également respectées.

Pourquoi et comment Sexe et mensonges est devenu une bande dessinée intitulée Paroles d’honneur ?

Je suis entrée en contact avec les Arènes en 2013, avec l’idée de faire quelque chose autour de la sexualité dans le monde arabe. Nous avons exploré plusieurs pistes, nous pensions à un documentaire dans les pays qui avaient connu des révolutions puis à un travail sur les populations immigrées en France. Et puis, le sujet du Maroc s’est imposé. À ce moment-là, nous avons pensé qu’un roman graphique serait un bon moyen de s’adresser à une population plus jeune, que la lecture d’un essai pouvait ennuyer. Nous avons donc mené les deux projets de front.

Vous avez reçu en 2016  le Prix Goncourt pour Chanson Douce.  Comment a-t-il changé votre vie d’auteure ?  

Cela m’a amené plus de lecteurs ! Et j’ai évidemment eu un peu moins le temps d’écrire. Mais, pour le reste, j’essaie de rester la même.

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Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être l’invitée d’honneur du Forum Fnac Livres 2017 ?

C’est un immense honneur et une grande joie ! Quand je suis venue m’installer à Paris, à l’âge de 18 ans, je ne connaissais personne. Et je passais parfois mes après-midi à la FNAC. À l’époque, au Maroc, ce genre de magasins n’existait pas. Alors j’avais l’impression d’être dans la caverne d’Ali Baba. Moi qui suis une grande consommatrice de livres et de films, je me baladais dans les rayons avec l’envie de tout acheter. Et j’étais fascinée par tous ces gens assis par terre qui lisaient tranquillement sans se faire gronder. Aujourd’hui, je vais beaucoup à la FNAC avec mon fils ; je lui ai collé le virus. « Si je suis sage, on ira à la FNAC ? » me demande-t-il souvent !

 Propos recueillis par François Alquier

Paru le 6 septembre 2017 – 192 pages

Visuel d’illustration : Leïla Slimani à la rencontre parisienne du Goncourt des lycéens 2016

Article rédigé par
Pauline
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