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Tueurs, de Jean-Michel Espitallier : l’horreur et la langue

10 mai 2022
Par Sophie Benard
Tueurs, de Jean-Michel Espitallier : l’horreur et la langue
©Hannah Assouline

Iconoclaste et dérangeant, Tueurs s’obstine à décrire froidement, avec une neutralité qu’on voudrait impossible, ce que les conflits politiques et sociaux autorisent d’inhumanité.

Écrivain et poète, Jean-Michel Espitallier a déjà fait paraître plus d’une vingtaine d’ouvrages, dont Salle des machines (Flammarion, 2015), France romans (Argol, 2016), La Première Année (Inculte, 2018), et Cow-Boy (Inculte, 2020). Il a aussi publié, sur la poésie contemporaine, une anthologie, Pièces détachées (Pocket, 2011) et un essai, Caisse à outils. Un panorama de la poésie française aujourd’hui ( Pocket, 2013).

Tueurs se présente comme une succession de descriptions d’exactions commises en temps de guerre. Ces scènes réelles se suivent, sobrement numérotées, sous forme d’ « images » dont l’écrivain s’attache à rendre compte dans une langue neutre – indifférente. Mais sous cette langue nue et sans affect, la violence se déchaîne sous toutes les formes possibles. Les actes sont collectifs ou isolés, ils ont lieu en Syrie, en Algérie, en Israël, au Mozambique, en Chine, en France, en Irlande du Nord, au Nigéria – « n’importe où ».

Jean-Michel Espitallier se refuse à habiller l’horreur au point qu’il la laisse se présenter elle-même : aucun contexte ne précède les « images », aucune préparation à l’horreur n’invite à retenir son souffle, aucune explication ni aucune analyse ne permet de les mettre à distance. Seulement les actes ; entrecoupés de citations, de phrases prononcées par ceux qui torturent, qui violent, qui tuent.

Image n°60
Un insurgé est assis sur une chaise, les mains attachées dans le dos. Il est entouré de soldats et de miliciens. L’un d’eux lui tatoue le nom du président sur le front.

Jean-Michel Espitallier
Tueurs

Tueurs maintient une langue strictement descriptive – si blanche qu’elle en devient aveuglante, alors qu’elle impose à la conscience qu’on tue aveuglément dès que le contexte semble l’autoriser. Glaçant.

Tueurs, de Jean-Michel Espitallier. En librairie depuis le 04/05/2022.

Tueurs, de Jean-Michel Espitallier, Inculte, 180 p. 14,90€. En librairie depuis le 04/05/2022.

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Article rédigé par
Sophie Benard
Sophie Benard
Journaliste