Microfictions 2022, le dernier roman de Régis Jauffret, vient de sortir. Publié aux éditions Gallimard, l’auteur y poursuit sa mise en récit de la condition humaine, et ce, dans toutes ses nuances…
On ne présente plus les Microfictions de Régis Jauffret. Après un premier ouvrage en 2007, puis un second en 2018 – récompensé, la même année, du Prix Goncourt de la nouvelle –, l’auteur revient ce printemps avec un troisième volet. Sobrement nommé Microfictions 2022, le roman prolonge ainsi ce cycle d’écriture, entamé quinze plus tôt.
Comme l’a fait Émile Zola deux siècles auparavant, Régis Jauffret s’applique à disséquer le réel. Il s’aventure dans les affres de la société et mène une véritable enquête générale sur ses semblables. « Le monde est une fiction terrible et fabuleuse que les humains se racontent », explique-t-il.
La banalité crue du quotidien
En 1024 pages, l’auteur esquisse pas moins de 500 histoires. Toutes déclinent sa vision du monde, empreinte d’une frénésie cruelle. Hommes, femmes et enfants de toutes conditions sociales se succèdent et dévoilent des fragments d’existence à la première personne. Et rien ne les épargne. Sur un arrière-plan de pandémie et de crise économique, les coups de foudre s’entremêlent aux ruptures et autres désirs refoulés. Les naissances sont assombries par le deuil et la souffrance des jours. La haine et le racisme s’immiscent çà et là, quand la misère ne parasite pas déjà le quotidien de certains.
Régis Jauffret s’est toujours intéressé à ces laissés-pour-compte, en marge des convenances. Leurs réalités, trop souvent occultées, sont frappées par la violence et les rapports de domination acerbes. Dès les années 1990, l’auteur a lancé la revue Dossiers criminels, qui abordait la question des faits divers. En 2007, il a donné la parole à de parfaits inconnus qui ne l’ont pas d’ordinaire. Sans-abris, grévistes, adolescents, immigrés clandestins… Le temps d’un entretien, toutes et tous ont alors pu s’exprimer.
Microfictions 2022 n’est finalement que le prolongement de cette envie. Mis bout à bout, cet enchevêtrement de récits indépendants forme un singulier roman. À travers ce microcosme contemporain, Régis Jauffret donne à voir une banalité crue que l’œil accoutumé ne perçoit plus. Une manière de traduire des maux qui, à quelques jours du premier tour, ont toute leur place dans les arènes publiques.
Microfictions 2022, de Régis Jauffret, Gallimard, 1024 p., 26 €. En librairie depuis le 24/03/2022.