Alors que l’euro numérique est encore au stade de projet, l’autorité de protection des données personnelles estime qu’il faut penser à la vie privée des futurs utilisateurs dès sa conception.
En juillet 2021, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le lancement d’un projet d’euro numérique avec un objectif de déploiement en 2024. Ce projet commence par une phase pilote de deux ans, notamment avec une exploration des cas d’usage de cette future monnaie virtuelle. Une fois lancée, celle-ci permettrait de concurrencer les cryptomonnaies comme le bitcoin ou l’ether.
La BCE a encore beaucoup de décisions à prendre à propos de la conception de cet euro numérique, mais pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), un élément est à prendre en compte dès maintenant : la protection de la vie privée des futurs utilisateurs. Un avis partagé par le Comité européen de la protection des données (CEPD) et les participants à une consultation publique de la BCE publiée en avril 2021. La confidentialité a en effet été considérée comme le point le plus important pour 43% des répondants. Pour la CNIL, « il est important que l’euro numérique soit protecteur de la vie privée dès sa conception ».
Entre anonymat et identification
Actuellement, les Européens ont tendance à réaliser des paiements avec des solutions numériques plutôt qu’avec des espèces. Pourtant, celles-ci ont un avantage : elles permettent l’anonymat des paiements, il n’est ainsi pas possible de tracer les achats effectués et il n’y a pas de risque pour la vie privée. L’anonymat ne sera cependant pas facile à garantir avec le projet de la BCE : « On ne sait pas encore si le futur euro numérique offrira également cette possibilité, pour plusieurs raisons », indique la CNIL. L’autorité française explique que les conditions d’émission et de distribution en ligne de cette monnaie virtuelle ne semblent pas compatibles technologiquement avec « un anonymat total dans l’usage ». Autre problème : cela rentrerait en contradiction avec d’autres objectifs comme la lutte contre le blanchiment ou le financement du terrorisme.
Un équilibre est donc à trouver avec, entre autres, un anonymat en dessous d’un certain seuil pour les transactions quotidiennes. Une solution pourrait être d’appliquer les mêmes règles aux monnaies numériques de banque centrale qu’aux espèces pour la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Les règles à propos des espèces prévoient une utilisation libre en dessous de 1 000 euros en France. Pour les transactions au-dessus du seuil qui serait retenu, la CNIL indique que « l’identification des utilisateurs ne doit pas excéder ce qui est strictement nécessaire au respect des obligations réglementaires des entités concernées ». Il n’est en effet pas obligatoire de s’identifier auprès d’un commerçant par exemple.
L’autorité chargée de la protection des données personnelles appelle également à l’émergence d’un débat public à propos de l’euro numérique. Elle estime que le projet de la BCE ne doit pas seulement être discuté par des spécialistes et des régulateurs, mais aussi par les « centaines de millions d’Européens » concernés. « Quel euro numérique voulons-nous, demain, et pour quoi faire ? Quel arbitrage entre sécurité et liberté et quels effets sur l’inclusion numérique et financière ? », sont des exemples de questions sur lesquelles le public devrait se prononcer.