Arnaques vocales : voici comment reconnaître une voix truquée à l’ère des deepfakes audio

18 décembre 2025
Par Florence Santrot
Arnaques vocales : voici comment reconnaître une voix truquée à l’ère des deepfakes audio
©Shutterstock / Ilya Lukichev

Un appel paniqué. Une voix familière. Une urgence absolue. Les deepfakes audio ne relèvent plus de la science-fiction : ils sont devenus un outil redoutablement efficace pour tromper, manipuler et escroquer. Mais il existe des indices pour les repérer. Explications.

Pendant longtemps, la voix a été perçue comme un marqueur fiable de l’identité. Trop humaine pour être imitée. Trop subtile pour être copiée. Cette époque est révolue. Aujourd’hui, quelques secondes d’enregistrement suffisent à cloner une voix, comme a pu le montrer l’IA HeyGen. Résultat : appels frauduleux, messages vocaux WhatsApp truqués, contournement de systèmes d’authentification vocale, faux témoignages audio utilisés à des fins politiques ou médiatiques. C’est ce qu’on appelle le « vishing ».

En Italie, au début de l’année 2025, plusieurs dirigeants d’entreprise ont cru recevoir un appel du ministre de la Défense. La voix, parfaitement reconnaissable, demandait le versement urgent d’une rançon d’un million d’euros. Certains ont payé. Tout cela était une arnaque. Ce type d’attaque fonctionne parce qu’il joue sur un levier puissant : la confiance instinctive que nous accordons à une voix que nous pensons reconnaître. Et parce qu’il exploite l’émotion – urgence, peur, pression – plus vite que notre esprit critique.

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Pourquoi notre oreille se fait piéger

L’oreille humaine n’est pas entraînée à détecter le faux. Elle est entraînée à reconnaître, à interpréter, à compléter. Une voix familière active immédiatement des automatismes cognitifs : le cerveau « comble les trous ». Et les IA génératives excellent dans cette illusion. Elles reproduisent le timbre, la prosodie, les accents. Elles savent simuler l’émotion.

Arnaques vocales : voici comment reconnaître une voix truquée à l’ère des deepfakes audio
©Shutterstock / ArtemisDiana

Mais elles restent, malgré tout, des systèmes statistiques. Et c’est là que des failles subsistent. Surtout, le paysage évolue très vite. Tout comme certaines IA génératives écrites ont fait de gros progrès en peu de temps (on pense évidemment à Gemini 3 de Google), les faux d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec ceux d’il y a un an. Ce qui rend la détection – humaine comme automatisée – beaucoup plus complexe.

Sept réflexes concrets pour repérer une voix truquée

Aucun indice ne suffit à lui seul. Mais leur accumulation doit alerter. Les outils de détection automatiques s’appuient, eux aussi, sur une combinaison d’indices, mais ils restent complémentaires – pas un substitut – aux réflexes de vérification que chacun peut adopter.

1. Une voix trop lisse
Peu d’hésitations, peu de micro-ratés, un débit très régulier. Pas de euh, hum, de bégaiements ? Les voix humaines sont rarement aussi propres.

2. Des respirations étranges… ou absentes
La respiration est l’un des éléments les plus difficiles à synthétiser de manière crédible. Certaines voix IA respirent trop, d’autres pas du tout.

3. Une émotion « plaquée »
Urgence, panique, colère : l’émotion est souvent surjouée, sans variation naturelle au fil du message.

4. Un décalage entre le fond et la forme
Le ton ne correspond pas exactement au contenu. Quelque chose « sonne faux », sans que l’on sache dire pourquoi.

5. Des réponses trop rapides
Dans un échange en temps réel, la voix répond sans latence, sans temps de réflexion. Un être humain devrait hésiter davantage, surtout si vous le prenez de court avec une réaction inhabituelle.

6. Une demande exceptionnelle
Argent, urgence, secret, pression temporelle. Téléphone cassé, portefeuille volé ou perdu, compte soi-disant piraté… c’est un grand classique… toujours efficace.

7. L’impossibilité de vérifier autrement
Refus de raccrocher, impossibilité de rappeler, excuses pour éviter un autre canal. La méfiance doit être de mise.

Une règle simple à garder en mémoire : une vraie urgence supporte toujours une vérification. Une fausse, rarement. Le simple fait de recevoir un appel ou un message d’urgence, de panique devrait allumer chez vous un signal d’alerte : crédible ou non, comment je vérifie son authenticité ?

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©Shutterstock / MiniStocker

Quand les machines apprennent à ne plus oublier les anciens faux

Face à cette prolifération, la recherche tente de suivre le rythme. En novembre 2025, des chercheurs de l’agence scientifique australienne CSIRO, de Federation University Australia et de RMIT University ont présenté une nouvelle méthode de détection des deepfakes audio : RAIS (Rehearsal with Auxiliary-Informed Sampling).

Le problème qu’ils cherchent à résoudre est central : les détecteurs actuels apprennent à reconnaître de nouveaux types de deepfakes, mais leur précision se dégrade sur les anciens modèles, un phénomène bien connu d’« oubli catastrophique ». « Si l’on entraîne simplement un modèle sur de nouveaux échantillons, il finit par oublier les deepfakes qu’il savait reconnaître auparavant », explique la chercheuse Kristen Moore.

RAIS propose une autre approche : le système conserve une petite « mémoire tampon » d’anciens enregistrements, soigneusement sélectionnés pour couvrir un maximum de styles de voix synthétiques, y compris des indices acoustiques que l’oreille humaine n’entend pas. Le système apprend ainsi les nouvelles attaques sans perdre les anciennes. « RAIS sélectionne et conserve automatiquement un petit ensemble d’exemples diversifiés, y compris des traits audio cachés que les humains ne remarquent même pas », précise la scientifique.

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Une course permanente, sans solution miracle

Ces avancées sont encourageantes, mais elles ne changeront pas une réalité structurante : aucune IA, même spécialisée, ne repérera tous les faux, surtout lorsque les attaquants adaptent leurs techniques en continu.C’est une course permanente. Les chercheurs le reconnaissent eux-mêmes : aucune technologie ne garantira une détection parfaite. Les faux évolueront. Les détecteurs aussi. Mais tant que les mêmes principes statistiques alimentent les deux camps, il restera toujours une zone grise où la machine comme l’oreille humaine peuvent se tromper. Dans ce contexte, la meilleure défense reste hybride : des outils techniques, oui – mais surtout une vigilance humaine de chaque instant. La voix n’est plus une preuve. Elle est devenue un signal parmi d’autres.

À l’ère des deepfakes, reconnaître une voix ne suffit plus. Il faut aussi recouper le contexte, interroger l’intention derrière le message et s’accorder quelques secondes de doute avant de cliquer, payer ou partager.Testée sur plusieurs séries de deepfakes successifs, RAIS atteint un taux d’erreur moyen d’environ 2 % sur des bases de tests de recherche, tout en utilisant peu de mémoire – une condition clé pour l’intégrer dans des systèmes de détection réels.

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