Avec Le gang des amazones, Mélissa Drigeard change de registre et revient sur un fait divers qui a secoué la France au début des années 1990 : le braquage de plusieurs banques par des amies d’enfance. La réalisatrice retrace cette histoire dans un biopic sans grande surprise, mais socialement profond. Critique.
Dans les années 1990, cinq jeunes femmes espèrent sortir de la misère en braquant plusieurs banques dans la région du Vaucluse. D’abord grimées au moyen de moustaches et de postiches, elles ont, en tout, dévalisé sept banques dans les environs d’Avignon. Mais le braquage de trop arrivant – et les filles ne s’encombrant plus du déguisement d’hommes – celles que la presse surnomme « Le gang des amazones » vont finalement être arrêtées quelque temps plus tard, et jugées.
Dans ce groupe composé d’amies d’enfance, on retrouve Katy (Lyna Khoudri) – la meneuse, celle qui a imaginé le plan idéal –, Laurence (Laura Felpin) – victime des coups de son mari –, Hélène (Izïa Higelin) – une mère de trois enfants, qui peine à joindre les deux bouts malgré son travail en boulangerie –, Carole (Mallory Wanecque) – la bourgeoise de la bande – et enfin Malika (Kenza Fortas) – la sœur de Katy, qui tente tant bien que mal de la garder loin des ennuis.

Quand Hélène reçoit un courrier de la CAF lui indiquant un trop-perçu, la jeune femme se retrouve dos au mur. Endettée, elle doit élevéeeres trois enfants tout en prenant soin de sa mère. Le braquage apparaît alors comme le moyen idéal pour sortir de sa condition. Fini la vie de galère : aux côtés de ses amies d’enfance, Hélène se sent libre. Mais la dure réalité du quotidien va rattraper les cinq femmes. Bientôt, elles vont devoir rendre des comptes à la justice.
Justice sociale ?
Mélissa Drigeard adapte aujourd’hui l’histoire du gang des amazones. Avec ce projet, la réalisatrice habituée aux comédies (Jamais le premier soir, Tout nous sourit et Hawaï) s’essaie à un nouveau genre en développant un biopic féminin, féministe, mais aussi social. Car, au-delà d’être un film de braquage à la française – parfois très académique –, le long-métrage décrypte, à travers ce groupe d’amies, le sort des banlieues, les différences de classes, ainsi que les difficultés auxquelles les jeunes femmes sont confrontées. Précarité, violences et invisibilisation apparaissent ainsi comme les causes de la dégringolade du groupe dans une société dite « criminogène ».
Pour composer son gang, Mélissa Drigeard a fait appel à la nouvelle garde du cinéma français. Laura Felpin quitte ainsi les comédies comme L’amour, c’est surcoté (2025) pour un jeu plus sérieux, quand Lyna Khoudri surprend par son charisme. Il est agréable de voir Mallory Wanecque et Kenza Fortas, deux forces de la nature, se prêter à l’exercice du film de braquage, tandis qu’Izïa Higelin représente le pilier émotionnel du long-métrage.
C’est d’ailleurs à travers elle que la démonstration du scénario prend tout son sens. Aussi attachante qu’indéfendable, cette mère célibataire catalyse la dualité du Gang des amazones. On se surprend à vouloir que ses membres s’en sortent malgré leurs actes répréhensibles, qu’elles échappent à la justice malgré les violences commises. C’est là que le genre du film de procès, qui intervient dans la dernière partie, est intéressant. Bien qu’il souffre de quelques longueurs, notamment dans sa résolution, en montrant leur vie derrière les barreaux et leur combat judiciaire, Le gang des amazones éclaire la justice dans ce qu’elle de plus bénéfique quand on privilégie la réinsertion à la punition.
En explorant la veine sociale de l’histoire, Mélissa Drigeard donne à voir un film plus naturaliste que ses comparses hollywoodiens. En effet, là où Spring Breakers (2012), Les veuves (2018) ou Ocean’s 8 (2018) – revival féminin porté par Sandra Bullock de la saga imaginée par Steven Soderbergh avec George Clooney, Brad Pitt et Matt Damon – misaient tout sur le divertissement et la légèreté, Le gang des amazones s’attache à montrer l’humanité de ses héroïnes ; les femmes derrière les braqueuses. Un choix judicieux qui offre une certaine profondeur au long-métrage et nous invite dans l’intimité de ses personnages, sans jugement.