Le créateur de Breaking Bad et Better Call Saul délaisse les cartels pour un peu de science-fiction. Avec Pluribus, diffusée sur Apple TV+, il imagine un monde où la misère d’une seule femme pourrait sauver l’humanité… du bonheur.
Il a fait bouillir l’Amérique dans un ballon de verre. Quinze ans après avoir métamorphosé un professeur en seigneur de la drogue, Vince Gilligan réapparaît avec une nouvelle expérience narrative : Pluribus, série de science-fiction existentielle sortie le 7 novembre sur Apple TV+.
Cette fois, pas de méthamphétamine ou de désert du Nouveau-Mexique : le créateur de Breaking Bad s’aventure dans un monde où l’humanité tout entière bascule. Une fable sur le bonheur forcé, nourrie d’humour noir et d’inquiétude, qui replace l’un des plus grands artisans du récit télévisuel à son poste de savant fou.
Le scénariste venu du Sud
Né en 1967 en Virginie, Vince Gilligan a grandi dans une famille modeste et découvre tôt la caméra comme échappatoire. Diplômé de la Tisch School of the Arts de New York, il remporte à 22 ans le Virginia Governor’s Screenwriting Award et s’attire la bienveillance du producteur Mark Johnson, qui deviendra son mentor.

Ses débuts dans la série culte X-Files façonnent son approche : intrigues millimétrées, tension, goût pour l’étrange. Gilligan ne cherche pas le spectaculaire : il scrute la faille morale de ses personnages.
Le crime comme révélateur
C’est bien sûr avec Breaking Bad qu’il impose sa griffe. Walter White, professeur malade devenu trafiquant, incarne cette Amérique des années 2000, celle qui confond réussite et domination. À rebours d’Hollywood, il démythifie la masculinité, dénonçant en 2023 que l’industrie cinématographique américaine « a trop longtemps rendu les méchants sexy ».

Better Call Saul, puis El Camino prolongent son œuvre et déplient la même morale sur des visages différents. Gilligan y affine son tempo, filmant le remords avec une patience dont peu de cinéastes ont su faire preuve.
Sauver le monde du bonheur
De retour avec Pluribus, Gilligan retrouve son terrain de prédilection – le désordre moral –, mais dans un nouveau décor : celui de l’anticipation. Carol, « la personne la plus misérable sur Terre », interprétée par Rhea Seehorn, y est chargée de sauver l’humanité d’une béatitude collective. « Je ne suis pas si différent de Carol », a-t-il admis dans un entretien livré à Rolling Stone.
Mi-comédie, mi-thriller métaphysique, la série interroge ce qu’il reste de nous lorsque tout le monde s’aime sans condition, tout en testant les limites de l’humain face à sa propre obsolescence. Il confie à Premiere : « J’aimerais que Pluribus soit un antidote aux séries post-apocalyptiques. »