Adapté du roman de Laurent Gaudé, le nouveau film de Cédric Jimenez dépeint un Paris futuriste dominé par une multinationale, où la technologie impose son ordre et réduit les hommes à de simples rouages.
Dans le Paris du futur de Cédric Jimenez, les hommes semblent vivre sous la logique du matricule, les villes se découpent en zones sociales et la police obéit à une intelligence artificielle. Adapté du roman éponyme de Laurent Gaudé, Chien 51, en salles le 15 octobre, appartient à cette science-fiction qui n’a rien d’un divertissement : c’est un miroir du présent où la technologie rationalise les inégalités et vide les êtres de leur nom. Son titre, animal, intrigue. D’où vient-il ? Explications.
Le matricule avant l’homme
Le film ne livre pas d’explication explicite sur son origine. Pour en saisir la portée, il faut revenir au roman publié en 2022, chez Actes Sud. Dans le monde imaginé par Gaudé, les policiers des zones les plus misérables sont parfois décrits comme des « chiens », terme métaphorique pour évoquer leur condition subalterne.
Ces exécutants du pouvoir évoluent dans une mégapole contrôlée par la multinationale GoldTex, qui impose sa domination économique et politique. Zem Sparak, le héros, est l’un d’eux : ancien militant grec devenu flic, il incarne la figure de l’homme brisé et dépossédé de toute identité.

Le chiffre « 51 » n’est pas expliqué. Les critiques y voient un symbole d’effacement administratif ou de déshumanisation, mais Gaudé n’a jamais donné de clé précise pour le comprendre. Mais en associant un nom méprisant et un nombre arbitraire, il suggère une société où l’humain devient une donnée parmi d’autres, réduit à sa place dans la machine.
Du souffle antique à la dystopie
Couronné par le prix Goncourt pour Le soleil des Scorta, l’auteur s’était jusqu’ici illustré dans les grandes fresques méditerranéennes. Avec Chien 51, il déplace son écriture vers l’anticipation. Le roman a été récompensé par plusieurs prix littéraires et salué pour son mélange de polar et de science-fiction sociale.

Dans son adaptation cinématographique, Jimenez conserve le titre sans en expliciter davantage le sens. Le réalisateur, connu pour BAC Nord ou La French, transpose l’action : plutôt qu’un, elle suit deux policiers, incarnés par Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos, qui enquêtent sur un meurtre.
Sa version cinéma semble se concentrer davantage sur la tension et le spectacle que sur la méditation sociale du roman. Mais elle en reprend l’essence : la dépossession de soi dans un monde de codes et d’algorithmes.