Entretien

Kemmler pour Finalement : “Dans mon rap, je ne veux pas tricher”

03 octobre 2025
Par Lisa Muratore
Kemmler dévoile son nouvel album, “Finalement”.
Kemmler dévoile son nouvel album, “Finalement”. ©Kemmler

Kemmler dévoile ce vendredi 3 octobre son nouvel album, baptisé Finalement. À cette occasion, L’Éclaireur a eu la chance de rencontrer le rappeur pour évoquer cette création musicale pleine de contrastes.

Dans quel état d’esprit êtes-vous maintenant que votre album est sorti ?

Je suis un peu stressé, mais je me surprends à me sentir mieux par moments, notamment aux répétitions, ce qui n’est pas forcément mon état habituel. Le retour à l’indépendance était important pour moi, je l’attendais depuis longtemps. Il arrive dans une période particulière : j’ai perdu mon père récemment, il y a donc beaucoup de bouleversements. Je réfléchis à plein de choses, tout en continuant à travailler. Je me surprends à être très ému parfois. C’est un vrai chamboulement, que je maîtrise difficilement.

Est-ce que cela rend la sortie encore plus unique ?

Oui, absolument. Quand j’ai sorti mes premiers projets, ma carrière n’avait pas encore réellement commencé. Aujourd’hui, il y a de vraies attentes, et donc un peu plus de pression aussi.

Cover de Finalement, l’album de Kemmler. ©yo0ujo/Baron Angéle

Qu’avez-vous appris en revenant à l’indépendance, en tant qu’artiste et en tant qu’homme ?

Ce que j’ai surtout appris, c’est le prix des choses. Quand c’est votre argent, chaque dépense compte et vous y réfléchissez à deux fois ! J’ai toujours eu ce côté leader, que ce soit en maison de disque ou en indépendant, mais là il faut gérer davantage de tâches. À côté de ça, je suis aussi père d’une petite fille de 4 ans et demi, donc je partage mon énergie entre ma vie de famille à Marseille et ma carrière à Paris.

Avant, il n’y avait que la musique. Aujourd’hui, il y a la promo, la gestion d’équipe… Ce projet, c’est vraiment mon bébé, mais j’ai la chance d’être entouré de proches et d’amis qui se battent avec moi. Je crois que c’est ce qu’il y a de plus précieux dans la musique : au-delà du talent, avoir des gens capables de se battre pour vous.

« Avec ce nouvel album, j’ai eu envie de ramener de la lumière. »

Kemmler

Comment est née cette envie de revenir en indépendant et de lancer ce nouvel album ?

J’ai signé chez Universal à un moment où il fallait des partenaires solides, avec des moyens financiers, car on lançait vraiment ma carrière. Mais je n’ai jamais pris autant de plaisir qu’en indépendant.

Quand je suis revenu à l’indépendance, j’avais envie de travailler sur un album rapidement. Le décès de mon père a retardé les choses, mais la vie a repris son cours, et je me suis retrouvé en studio avec des proches qui m’ont soutenu dans ces moments-là. L’écriture a été assez intensive : un mois et demi environ. Tout s’est fait très naturellement.

Kemmler. ©Kemmler

Vous évoquez la perte de votre père dans un morceau. Est-ce que vous avez hésité à aborder ce sujet si personnel ?

Honnêtement, pas une seconde. C’est venu instinctivement. Je travaillais avec Mosimann, mon ami et voisin, qui jouait des accords au piano. Ça m’a immédiatement évoqué ce que je voulais dire à propos de mon père. J’ai écrit rapidement, presque d’une traite. C’est l’un des premiers morceaux que j’ai faits pour l’album, et je n’y ai quasiment pas retouché par la suite.

Est-ce que vous aviez pour objectif de vous livrer autant dans cet album ?

Non, je n’y réfléchis pas comme ça. J’essaie simplement d’être le plus transparent possible. J’efface la frontière entre Yoann, l’homme, et Kemmler, l’artiste. Avec les gens avec qui je travaille – qui sont mes amis, ma famille musicale –, je ne peux pas tricher. Et puis, ma fille écoute mes morceaux, je ne peux pas lui raconter des choses qui ne sont pas vraies. Depuis quatre albums, j’ai choisi de raconter ma vie. Alors forcément, je ne peux pas me mettre à inventer une personne ou des choses qui ne me correspondent pas.

Pourtant, malgré des thèmes profonds et intimes, l’album reste solaire. Pourquoi ce contraste ?

Mon dernier album, Alain, portait le prénom de mon père. C’était un disque marqué par sa maladie et ma séparation avec la mère de ma fille. C’était un projet sombre. Avec ce nouvel album, j’ai eu envie de ramener de la lumière. La vie continue, je ne voulais pas resservir la même chose un an et demi plus tard à mon public. J’avais besoin, et envie, d’un peu plus de soleil.

Dans Chaise vide, vous dites que vous préférez “rapper sur votre tristesse”. Pensez-vous que le rap soit avant tout fait pour exprimer ce que l’on ressent ?

Pas forcément. Le rap est aujourd’hui complètement démocratisé, et il y a mille façons de bien rapper. L’essentiel, c’est de choisir sa voie et de l’assumer. Suivre les tendances, ce n’est pas mon truc. Mais ça ne veut pas dire que les autres façons de faire sont mauvaises. Moi, je ne peux juste pas tricher. Dans mon rap, je ne veux pas tricher.

Kemmler.©Kemmler.

L’album est très varié musicalement. Il y a du piano, de la guitare, du rap plus frontal, du slam… Comment l’avez-vous conçu ?

Ça, je le dois surtout aux gens avec qui je travaille. Sur cet album, il y a KNY – qui a fait des productions pour DJ Snake et Sean Paul – et Nazim. J’ai beaucoup travaillé avec eux. Ce sont des gens qui ont une vraie science du hit. Moi, je n’ai pas ça. Donc j’écoute, je m’adapte, j’essaie de tirer le meilleur de leurs propositions tout en restant fidèle à mon univers. J’essaie aussi, à travers eux, de faire évoluer ma musique.

En studio, je dirige beaucoup les sessions. Je sais vite quand une production ne correspond pas à ce que je veux. Mais comme ce sont des gens de confiance, il n’y a pas de filtre : ça va vite, on teste, on ajuste, et on trouve un terrain d’entente.

Vous êtes plus studio ou scène ?

J’adore les deux. La création en studio procure une sensation unique, surtout quand on sait qu’on a trouvé quelque chose de spécial. Mais l’adrénaline de la scène est irremplaçable !

J’ai toujours fait de la musique pour la scène. Quand tout le monde chante avec vous, c’est magique. Je suis assez instinctif : si je doute d’un morceau, c’est qu’il ne sortira pas. Mais quand je sens qu’un titre a un potentiel fort sur scène, je le sais immédiatement.

Le clip de Si un jour tu pars, de Kemmler.

Le titre de l’album, Finalement, peut s’interpréter de plusieurs façons. Quelle est la vôtre ?

J’aime justement qu’il puisse être interprété de plein de manières. Pour moi, c’est lié au décès de mon père : j’ai eu l’impression que le monde s’arrêtait quand il est mort, puis j’ai compris que la vie continuait, aussi triste soit-elle parfois. Et puis, il y a aussi un clin d’œil personnel : sur le merch, on a mis en avant le A et le L de Finalement, qui sont les initiales du prénom de mon père, Alain.

12,99€
16€
En stock
Acheter sur Fnac.com

Quelle est la suite après la sortie de l’album ?

Beaucoup de promo et de visuels à tourner, mais aussi du temps pour ma fille. Puis, les répétitions vont bientôt commencer, pendant une semaine. Le 9 novembre, je démarre ma tournée à Toulouse. J’ai hâte. On est déjà passé par plusieurs festivals cet été, mais, en festival, on touche parfois un public qui ne nous connaît pas. En tournée, c’est différent : les gens viennent pour vous, et quand toute une salle reprend vos morceaux, il n’y a pas de plus belle sensation.

Kemmler, en tournée dans toute la France du 9 novembre 2025 au 23 janvier 2026.

À lire aussi

Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste