Critique

Une bataille après l’autre : pourquoi c’est l’un des meilleurs films de l’année

24 septembre 2025
Par Sophie Jacquier
Leonardo DiCaprio dans “Une bataille après l'autre”, en salles le 24 septembre.
Leonardo DiCaprio dans “Une bataille après l'autre”, en salles le 24 septembre. ©Warner Bros.

Quatre ans après Licorice Pizza, le réalisateur américain Paul Thomas Anderson fait son grand retour au cinéma. Un roller-coaster qui change de genre à chaque virage, guidé par un Leonardo DiCaprio majestueux.

Paul Thomas Anderson est de ces cinéastes qui laissent rarement de marbre. Son cinquième film, There Will Be Blood (2007), est considéré comme une œuvre majeure du XXIe siècle. Souvent caractérisé par des plans de caméras parfaitement maîtrisés et de longs dialogues, le cinéma de celui que l’on surnomme « PTA » fait aussi parler de lui pour son esthétisme remarquable.

De ses débuts derrière la caméra avec Hard Eight (1996), qui annonçait déjà ses talents d’écriture, aux somptueux plans de Phantom Thread (2017) en passant par l’humour frappant de Punch Drunk Love (2002), Paul Thomas Anderson papillonne entre les genres sans jamais faire de faux pas. 

Leonardo DiCaprio dans Une bataille après l’autre.©Warner Bros.

Cette fois-ci, il fait son grand retour aux côtés de Leonardo DiCaprio. Trente ans après avoir refusé le rôle de Dirk Diggler dans Boogie Nights (1997), second long-métrage de PTA, l’acteur américain signe donc sa première collaboration avec le réalisateur. Librement inspiré du roman de Thomas Pynchon, Vineland (1990), le film emprunte à son matériau d’origine une atmosphère paranoïaque et un regard acide sur une Amérique désenchantée. 

Dans Une bataille après l’autre, Leonardo DiCaprio incarne Bob Ferguson, un ancien membre du  groupe révolutionnaire les French 75. Il élève seul sa fille Willa (Chase Infiniti), après qu’une action de son groupe a mal tourné des années auparavant. Lorsque Willa disparaît et que son ennemi juré, le colonel Stephen J. Lockjaw (Sean Penn), refait surface, Bob va tout faire pour la retrouver.

Un film d’action haletant

Dès le début du film, PTA annonce la couleur. Explosions lumineuses, armes à feu bruyantes et prises d’otages à répétition : l’artillerie lourde est de sortie. Une bataille après l’autre est avant tout un film d’action et réussit parfaitement à captiver l’attention du spectateur. 

Bien que PTA ne soit pas un maître de l’action, il s’approprie pourtant le genre avec brio. Sans les effets visuels classiques auxquels on pourrait s’attendre, il parvient à incorporer les codes du genre en y ajoutant sa patte. 

Benicio del Toro dans Une bataille après l’autre. ©Warner Bros.

Une bataille après l’autre est sans aucun doute une production gargantuesque (le budget s’élève à 140 millions de dollars), qui atteint son point culminant avec une course poursuite effrénée dans les paysages désertiques de Californie. Le tout sublimé par une bande originale signée Jonny Greenwood, qui accompagne chaque scène d’action sans jamais faiblir. 

Filmé en pellicule VistaVision, dans des décors naturels, sous les yeux aguerris du directeur de la photographie Michael Bauman (Licorice Pizza) et le réalisateur lui-même, Une bataille après l’autre baigne dans les couleurs orangées de la Californie. Une atmosphère qui donne lieu à de très beaux plans, ponctués de clins d’œil cinéphiles – comme lorsque Bob, affalé sur son canapé, regarde La bataille d’Alger (1966) de Gillo Pontecorvo.

L’aventure DiCaprio

À l’action se mêle une aventure, celle d’un héros déchu incarné majestueusement par Leonardo DiCaprio. Au début plongé dans un certain glamour lié à la ferveur du révolutionnaire, il s’en éloigne radicalement lorsqu’il incarne un père en cavale. Barbe mal entretenue, cheveux sales, robe de chambre : il semble avoir tout appris du « Dude » des frères Coen (The Big Lebowski, 1998). Les allures de road trip movie que prend le film au fil de l’intrigue ne sont pas non plus sans rappeler leur cinéma… À un détail près : les joints ont remplacé les russes blancs.

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Leonardo DiCaprio s’énerve, s’agace, se précipite : pour ce rôle, aucune retenue n’est de mise. Des scènes de colère donnent naissance à une comédie qui ne quitte jamais le film, brillamment incarnée par des personnages secondaires tous nécessaires. Benicio del Toro, en Sensei ange gardien, épaule le personnage de DiCaprio dans sa quête et enchaîne réplique culte sur réplique culte. 

Après un Leo amoureux transi, agent de police infiltré ou encore voleur de rêve, le voilà désormais père surprotecteur, prêt à tout pour retrouver sa fille. Un rôle à contre-emploi, loin de l’image de séducteur que le comédien et activiste véhicule encore aujourd’hui à Hollywood.

Chase Infiniti dans Une bataille après l’autre. ©Warner Bros.

Tunnels secrets, noms de codes, gadgets d’agents secrets : PTA nous entraîne, à travers les yeux de son personnage, dans une aventure ludique et s’amuse autant dans le scénario que derrière la caméra. De son rôle de lanceur d’alerte dans Don’t Look Up (2021) d’Adam McKay (2021) à celui de rebelle armé dans Une bataille après l’autre, DiCaprio, lui, continue d’explorer des personnages pris dans les chaos de leur époque.

Un idéal après l’autre

Car c’est dans une Amérique polarisée que se déroule l’intrigue d’Une bataille après l’autre. Les French 75, révolutionnaires anarchistes, voient la violence extrême comme moyen d’expression et d’action. Ils se battent pour leurs idéaux, refusant toute hiérarchie. Ce sont donc des batailles concrètes, sur le terrain, mais aussi idéologiques que PTA filme ici. À travers ces choix, il fait écho aux débats brûlants sur la politique migratoire offensive de l’actuel Président américain. 

Chaque extrême est représenté et critiqué par le réalisateur. Les organisations du film, des French 75 aux Christmas Adventurers Club (groupe suprémaciste qui donne naissance à des scènes complètement absurdes), sont toutes intransigeantes à leur façon. Une radicalité qui permet au casting d’aller au bout de sa palette de jeu, donnant lieu à des performances presque théâtrales.

Sean Penn dans Une bataille après l’autre.©Warner Bros.

Teyana Taylor incarne une Perfidia intrépide, assoiffée par la défense de la liberté, redoutable force de la nature. Maîtresse de l’improvisation, Taylor donne à son personnage toute sa fougue. Face à elle, Sean Penn campe le capitaine Lockjaw, antagoniste délicieusement détestable qui marquera sans doute les esprits. 

La révélation du film, Chase Infiniti dans le rôle de Willa (la fille de Bob), est peut-être le personnage le plus nuancé. Descendante de révolutionnaire, elle s’inscrit pourtant dans une génération opposée à celle de ses parents. Et Paul Thomas Anderson joue clairement avec cette dichotomie : millennials versus génération Z.

En réunissant un casting vertigineux, une lettre d’amour d’un père à sa fille et une tension qui ne cesse d’augmenter, Paul Thomas Anderson signe une épopée d’une grande envergure qui montre les limites de l’idéalisme dans une Amérique de plus en plus fracturée.

La bande-annonce du film Une bataille après l’autre.

Sans jamais manquer d’action, d’absurde (au point de flirter parfois avec un style tarantinesque) et d’intime, Une bataille après l’autre est sans aucun doute le long-métrage qui marquera l’année 2025. Steven Spielberg l’évoque déjà comme l’un de ses films préférés et nous ne sommes pas loin de penser la même chose.

Une bataille après l’autre, de Paul Thomas Anderson avec Leonardo DiCaprio, Teyana Taylor, Sean Penn et Chase Infinity, 2h41, au cinéma le 24 septembre 2025.

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