À l’heure où le streaming standardise les hits, cinq Australiens rappellent depuis dix ans qu’on peut encore rêver d’être un vrai groupe avec des guitares, des harmonies de plage et une mission simple : répandre la joie partout dans les enceintes. Le troisième album du groupe, Loved, confirme que Parcels est devenu le porte-parole d’une nouvelle génération qui fait un gros « funk » à la déprime.
L’histoire commence en 2013, dans un coin de paradis nommé Byron Bay, sur la côte est de l’Australie. Cinq lycéens répètent dans un salon ensoleillé, certainement nourris par les vieux vinyles des Beatles de leurs parents, des groove disco récupérés sur YouTube et même les premières productions de Max Martin pour Katy Perry. L’Australie de cette époque, dans l’inconscient collectif, c’est 17 000 kilomètres de distance, des crocodiles partout et, musicalement, dans le meilleur des cas, un best of d’INXS. Autant dire qu’on est encore loin du groupe capable de cumuler 1 milliard de streams et plus de 600 000 albums vendus.
La même année, à des milliers de kilomètres de là, Daft Punk vient de sortir Random Access Memories, un disque ultime qui a redonné des lettres de noblesse au funk et à la musique jouée « pour de vrai ». Pour ces cinq garçons à peine sortis de l’adolescence et pas encore nommés Parcels, l’album sonne comme un phare planté dans la mer australienne. Quatre ans plus tard, incroyable prophétie pop : c’est justement Daft Punk qui les invite en studio après les avoir repérés lors de leur premier concert à Paris. Résultat : un single (Overnight) produit par le duo casqué et une rampe de lancement inespérée pour ces fans de plage. Parcels ne le sait pas encore, mais difficile d’imaginer plus belle figure pour commencer à surfer sur le succès.
Beach Boys australiens
En 50 ans, l’Australie a offert au monde des rockeurs électriques (AC/DC), des crooners sombres (Nick Cave) ou des architectes psychédéliques (Tame Impala). Les garçons de Parcels, eux, jouent une autre carte. Ils réconcilient les guitares funk de Nile Rodgers, la précision électronique des Daft Punk et les harmonies lumineuses des Beach Boys. Un combo gagnant qui combine les références indépassables (quelque part entre Get Lucky et Surfin USA) à la jeunesse touchante d’un groupe.
Le guitariste Jules Crommelin résume cette raison d’être avec une simplicité désarmante dans leur bio : « En tant que groupe, nous avons une mission envers notre public : nous leur apportons de la joie. » Un objectif quasi messianique qui s’entend très bien sur You got me Feeling, le single très french touch extrait du nouvel album Loved, à mi-chemin entre un tube power-pop de Tahiti 80 et le Music Sounds Better With You de Stardust (où l’on retrouvait, tiens tiens… Thomas Bangalter des Daft Punk).
Ils carburent à l’amour
En assumant cette posture d’outsiders 50 % mainstream 50 % indie, les garçons de Parcels se sont lentement imposés comme les parrains d’une scène « positive funk » où tous les mauvais sentiments (cynisme, déprime, aigreur) sont rangés au vestiaire. Tant pis si Parcels dispose d’une image aussi lisse que celle des Beatles à leurs débuts, façon gendres idéaux ; eux assument.

Leur nouvel album, Loved, enregistré entre Mexico, Berlin et l’Australie, en est le parfait exemple : l’amour dégouline partout. Il en est d’ailleurs beaucoup question sur cet album dédié à ce sentiment si universel qu’il irrigue toute la pop culture depuis presque un siècle. Non seulement le nom du disque est sans équivoque, mais trois titres puisent leur titre directement dedans (To Be Loved, Summer in Love, Leave Your Love). Et ça marche : avant même la sortie du disque, le groupe a réalisé le grand chelem des festivals mondiaux en se produisant coup sur coup à Coachella, Primavera Sound et Glastonbury.
« Loved sonne comme la bande-son d’un après-midi à manger des mangues au soleil. »
Jules CrommelinGuitariste et chanteur de Parcels
Une bande de potes au soleil
Alors, Parcels est-il définitivement le groupe le plus cool d’Australie ? La réponse est oui. Sûrement parce qu’il n’a pas oublié d’où il vient : voilà une bande de vieux copains de lycée qui, dix ans plus tard, continue de grandir ensemble. Dans Billboard, Jules Crommelin décrit Loved comme « la bande-son d’un après-midi à manger des mangues au soleil […] C’est comme ça qu’on a grandi à Byron Bay, et c’était comme essayer d’y revenir. S’il y a un concept pour cet album, c’est l’envie de revenir à nos origines : se sentir léger face au soleil et s’amuser. » Voilà peut-être la clé du « cool » made in Parcels : une musique solaire qui échappe à la gravité cynique de l’industrie.
Si Random Access Memories a pu incarner le dernier grand geste discographique des Daft Punk, Parcels démontre de son côté qu’il existe encore des groupes capables de secouer le cocotier pop et de réconcilier l’époque avec l’idée même d’un vrai groupe, sans robots. Comme quoi, même au pays du surf, l’avenir du funk-pop se joue en bande organisée.