Dans la ville du Michigan, les robots ne sont plus seulement sur les chaînes de montage automobiles. Tonte, déneigement, ramassage des déchets ou nettoyage de plage : Detroit délègue de plus en plus ses corvées à des machines, pour gagner en efficacité et en sécurité.
Detroit, ville mythique du Michigan (au nord-est des États-Unis), a longtemps vécu au rythme des usines automobiles. Mais la Motor City a aussi payé cher la désindustrialisation, perdant plus de la moitié de ses habitants depuis les années 1950. Dans ses rues, les gratte-ciels côtoient les friches industrielles, les terrains vagues et les maisons abandonnées, vestiges d’un âge d’or révolu. L’hiver, la neige recouvre trottoirs et routes pendant des semaines, compliquant un quotidien déjà marqué par des finances municipales fragiles.
Pour avancer malgré tout, la ville s’est trouvé de nouveaux alliés, infatigables et insensibles au froid (ou presque) : les robots. On les voit tondre les pentes le long des autoroutes, déneiger les trottoirs, ramasser les déchets ou nettoyer les plages. De simples corvées pour certains, mais aussi un moyen pour la ville de se réinventer et de se poser en laboratoire grandeur nature de la ville robotisée de demain.
Une flotte de robots pour les tâches pénibles, dangereuses… ou ingrates
Depuis quelques années, la ville investit dans des machines capables de prendre le relais là où les humains se fatiguent, se blessent ou rechignent. La tonte des accotements le long des 240 miles d’autoroutes urbaines en est un exemple. Près de 80 % de ces talus sont si abrupts qu’ils transforment la tonte en mission à haut risque : désormais, des tondeuses télécommandées sur chenilles coupent l’herbe au plus près du trafic, guidées à distance par un opérateur en sécurité. L’hiver, de petits tracteurs autonomes déblaient trottoirs et allées, même au cœur de la nuit. Dans certains quartiers proches des écoles, un robot signalétique clignotant et mobile est testé pour guider les enfants lors des chutes de neige, scène surréaliste entre vigilance routière et science-fiction.

À la belle saison, sur les plages de Belle Isle, le robot électrique BeBot avale des bandes de sable, retirant mégots et plastiques avant qu’ils ne finissent dans le fleuve Detroit ou les Grands Lacs. Les données récoltées sur les déchets guident les campagnes de lutte contre la pollution. En centre-ville, Penny Pickup, petit robot sur roues, collecte les déchets alimentaires de restaurants partenaires pour les amener vers un site de compostage, réduisant bruit, camions et émissions. Moins visible, mais tout aussi efficace qu’un camion poubelle lancé à l’assaut des bacs verts – sans le vacarme ni les gaz d’échappement.
Des robots-pilotes pour assurer aussi la sécurité… mais jusqu’où ?
Detroit autorise également drones et robots de patrouille à circuler dans certains périmètres, notamment dans sa Transportation Innovation Zone. Cette zone d’essai permet aux startups et aux entreprises locales de tester leurs solutions en conditions réelles : robots de livraison, véhicules autonomes, dispositifs de surveillance… La frontière entre science-fiction et quotidien s’y brouille peu à peu, même si la démarche suscite des débats et fait polémique.
Surtout quand cette surveillance automatisée mène à des arrestations erronées, comme celle d’un résident noir d’une banlieue de Detroit, Robert Williams. L’homme a été arrêté à tort après qu’un logiciel l’a identifié à partir d’une image floue. Et ce n’est pas un cas isolé. Depuis, les images issues de la reconnaissance faciale ne peuvent plus être utilisées comme preuve unique, et les mises en accusation doivent reposer sur d’autres éléments.
Des craintes autour de la multiplication de ces robots
Se pose aussi la question du coût global de ces robots. Si certaines machines, comme les tondeuses télécommandées, sont rapidement rentables en réduisant les accidents et les heures de travail, d’autres représentent un investissement lourd, notamment lorsqu’elles nécessitent maintenance spécialisée ou remplacement fréquent des pièces. Leur efficacité, elle aussi, a ses limites : un robot déneigeur peut se retrouver immobilisé par une tempête particulièrement violente, et les engins de collecte de déchets doivent parfois être épaulés par des équipes humaines pour terminer le travail.
Enfin, il y a la question de l’acceptabilité sociale. La plupart des habitants accueillent favorablement ces innovations lorsqu’elles améliorent leur quotidien, mais des inquiétudes émergent : perte d’emplois, multiplication des capteurs, surveillance accrue… en particulier en ce qui concerne les drones. À Detroit comme ailleurs, chaque nouveau robot qui apparaît dans la rue sème autant de promesses que de doutes persistants.