Avec son deuxième long-métrage, Kristoffer Borgli interroge une fois de plus la notion de popularité à l’ère des réseaux sociaux. Après Sick of myself, le réalisateur norvégien dévoile Dream Scenario avec Nicolas Cage.
Nicolas Cage est de retour depuis ce mercredi 27 décembre au cinéma dans Dream Scenario. L’acteur américain incarne Paul Mattheus, un professeur d’université quelque peu ringard, qui va subitement se retrouver dans les rêves de tout le monde. Son entourage, ses amis, et ses élèves… Tous le voient apparaître dans leurs songes, la nuit, au point de déclencher une véritable obsession autour de lui.
Ce phénomène inexpliqué va véritablement bouleverser le mode de vie de Paul qui a toujours été en quête de reconnaissance à la suite de longs travaux universitaires qui ne l’auront finalement mené qu’au placard, dans une faculté communale. En effet, lorsque de notre héros barbu au manteau épais se met à apparaître de façon étrange dans les rêves de plusieurs personnes, c’est le début de la gloire pour lui.
Le revers de la médaille
Grâce à cela, Paul va en fin connaître la notoriété qu’il espérait tant ! Star d’un article qui lui ait consacré, il sera, par la suite, invité dans les dîners mondains, et sur les plateaux de télévision, puis deviendra l’un des influenceurs les plus en vogue d’une agence de communication new yorkaise. Mais le revers de la médaille n’est pas loin, car la célébrité emporte son lot de sacrifices et de dérives.
Dream Scenario est le parfait exemple de son aspect éphémère. Dans son film, Kristoffer Borgli dresse le portait acerbe, et parfois absurde, de la notoriété à l’air des réseaux sociaux et de la cancel culture. Si dans les premiers rêves, Paul demeurait inoffensif, restant souvent immobile face à la menace présente, son image va peu à peu évoluer. Notre personnage finira par devenir violent, devenant lui-même une menace cauchemardesque.
Ces visions infernales vont avoir des répercussions dans la vraie vie. À l’origine, si Paul était perçu comme un phénomène notoire, glamour et fantasmé — certaines jeunes filles iront jusqu’à vouloir revivre leurs rêves érotiques à ses côtés — la tendance va vite s’inverser lorsqu’il va commencer à devenir brutal dans l’inconscient collectif. Sa cote de popularité va descendre en flèche, le professeur devenant un sujet de boycott et de trauma général.
C’est là que toute l’absurdité de la célébrité et du wokisme dénoncée par Borgli opère. Le cinéaste est parvenu à dresser une métaphore astucieuse de la notoriété au XXIe siècle, et de ses dérives, à travers le parcours personnel de Paul. De star à paria il n’y a qu’un pas ! Dénigré par l’opinion publique, et rejeté par sa propre famille, notre héros fera les frais de ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de cancel culture, une pratique récente consistant à dénoncer publiquement en vue de son ostracisation une personne dont le comportement est jugé inadmissible.
Les réseaux sociaux et autres influenceurs sont aussi les cibles du réalisateur, qui voit en eux une société de contrôle, dénuée de spontanéité où les rêves finiront également par être encadrés par les nouvelles technologies, et l’endroit idéal pour les placements de produits. Tel la série Black Mirror, Dream Scenario pousse à son paroxysme l’allégorie autour de notre société, et les excès que le soi-disant « progrès » entraîne face à une potentielle insécurité, liée à la santé mentale (elle aussi trinque dans le film Borgli).
Ceci étant dit, le long-métrage reste dans la limite que son propos démontre. Borgli a fait le choix judicieux de pousser les curseurs sans jamais aller trop loin dans la métaphore, le fantasme, ou les dérives pointées. Chez lui, tout est plausible rendant le film d’autant plus terrifiant. Porté par des scènes cauchemardesques et un Nicolas Cage tour à tour narcissique, ridicule, maladroit mais aussi saisissant, Dream Scenario est une nouvelle réussite des studios A24.
Entre profondeur du sujet, maîtrise de la photographie et choix de casting — Nicolas Cage n’est décidément jamais là où on l’attend — Kristoffer Borgli parvient à s’imposer tel un jeune Ari Aster, après l’étrange Sick of myself (2022), dans un registre aussi piquant que dérangeant.
Dream Scenario de Kristoffer Borgli avec Nicolas Cage, 1h41, en salles le 27 décembre 2023.