Liv Strömquist est une autrice suédoise d’un genre bien particulier : ses bande-dessinées sont drôles, engagées – et surtout, particulièrement instruites. Son dernier ouvrage, Dans le palais des miroirs, vient de paraître en France aux éditions Rackham.
Dans son pays d’origine, la Suède, Liv Strömquist n’a plus rien à prouver : elle a déjà été lauréate du Prix Adamson de la meilleure autrice suédoise en 2012, puis du Prix EWK pour l’ensemble de son œuvre l’année suivante. Et il faut reconnaître que les bande-dessinées de Liv Strömquist ont tout pour plaire. D’album en album, l’autrice analyse et comprend, sur un ton aussi accessible que désopilant, les phénomènes sociaux qui agitent le monde contemporain. Armée d’une culture livresque particulièrement étendue, Liv Strömquist use de son coup de crayon et de son art du récit pour rendre lisibles – et même divertissants – les classiques de la philosophie et des sciences humaines et sociales.
Liv Strömquist applique toujours la même recette – d’une redoutable efficacité : elle fait partir sa réflexion d’exemples parfaitement choisis dans la pop culture, et déroule à partir d’eux d’innombrables références, aussi parfaitement comprises que clairement expliquées et analysées. Engagées, les bande-dessinées de l’autrice sont d’une rare puissance politique ; et se tiennent en équilibre parfait entre humour et intelligence.
Dans Les sentiments du prince Charles (Rackham, 2016) et La rose la plus rouge s’épanouit (Rackham, 2019), Liv Strömquist s’intéresse à l’amour. Elle analyse ainsi, dans ces deux ouvrages, les idées reçues sur les relations amoureuses et le couple hétérosexuel pour faire apparaître que ces derniers sont des structures patriarcales qui reproduisent une forme de domination sur les femmes. Dans L’origine du monde (Rackham, 2016), l’autrice rend compte des théories de Pères de l’Église, de psychanalystes, de sexologues – tous des hommes ! – sur la sexualité des femmes. Surtout, elle met en valeur les conséquences dévastatrices de ces théories sur les premières concernées. Dans Grandeur et décadence (Rackham, 2017), elle s’intéresse à la politique et aux vieilles démocraties européennes menacées par le pouvoir de la finance, par les inégalités toujours plus creusées, par la mainmise de la classe aisée blanche sur la culture et les médias.
Avec Dans le palais des miroirs, l’autrice entame sa réflexion à partir de l’influenceuse Kylie Jenner – et du désir de lui ressembler qu’elle éveille chez les jeunes femmes du monde entier. Elle trace ainsi un chemin théorique passionnant sur le thème des apparences, de la beauté, du rapport à soi et à son corps. Et… c’est du Liv Strömquist tout craché : intellectuellement dense, engagé, drôle, puissant.