Singapour a récemment accueilli des robots qui patrouillent dans les rues pour détecter les “comportements sociaux antisociaux”. Une initiative qui divise et suscite des inquiétudes sur le respect de la vie privée.
Singapour est régulièrement présentée comme étant la “ville la plus intelligente” (smart city) au monde. Son gouvernement veut franchir un nouveau cap en devenant une véritable “Smart Nation” à la pointe de la technologie. L’État insulaire compte 5,5 millions d’habitants et occupe une place à part en Asie du Sud-Est, avec un net penchant pour la surveillance. Après la polémique autour d’une application de traçage en pleine pandémie de Covid-19, Singapour surprend avec ses robots Xavier. Présentés à la rentrée, ces robots patrouillent dans les rues et détectent les “comportements sociaux indésirables”. La liste comprend notamment le fait de fumer dans des zones interdites, la vente à la sauvette, mal garer son vélo ou les rassemblements non autorisés.
Le robot Xavier est le résultat d’un projet développé conjointement par cinq agences publiques de Singapour, dont la HTX (Home Team Science and Technology Agency) qui opère sous l’égide du ministère de l’Intérieur de cette cité-État. Il a été pensé pour aider la police en surveillant des zones très fréquentées et dispose de différents capteurs qui lui permettent de se déplacer de manière autonome et d’éviter les obstacles. Il embarque également des caméras pour fournir un flux vidéo à 360 degrés vers un centre de commandement et de contrôle. Le robot peut même patrouiller la nuit et capturer des images et vidéos en condition de basse luminosité. La Home Team Science and Technology Agency (HTX) précise que les données sont transmises à un système d’analyse vidéo doté de capacités d’IA (Intelligence Artificielle). Il peut ainsi fournir une détection et une analyse en temps réel ou encore proposer des informations supplémentaires aux agents.
Le robot patrouilleur « Xavier » crée la polémique
Cependant, l’ambitieux projet fait naitre des inquiétudes depuis son annonce. L’AFP rapporte que l’arrivée de ces robots patrouilleurs dans les rues suscite des interrogations sur le respect de la vie privée à Singapour. Si certains évoquent un atout supplémentaire pour assurer la sécurité dans les rues, d’autres y voient une dystopie. “Ça me fait penser à Robocop”, explique Frannie Teo, une assistante de recherche de 34 ans qui a croisé “Xavier” dans un centre commercial. Elle ajoute que cela donne l’impression “d’un monde dystopique de robots (…) et j’ai quand même des doutes sur ce genre de concept”. Militante pour les droits numériques, Lee Yi Ting partage ces craintes et assure qu’il s’agit d’un nouvel outil pour surveiller les Singapouriens. “Tout cela contribue au sentiment que les gens… doivent surveiller ce qu’ils disent et ce qu’ils font à Singapour, beaucoup plus que dans d’autres pays”, a-t-elle expliqué à l’Agence France-Presse. Le gouvernement indique pour sa part que ces robots n’ont pas vocation à identifier les contrevenants ou à sévir, mais qu’ils sont nécessaires en raison du manque de main-d’œuvre et du vieillissement de la population.
À l’origine du projet, Cheng Wee Kiang, directeur du centre d’expertise en robotique, explique que “les robots terrestres de HTX sont très polyvalents et peuvent être personnalisés pour une application large et étendue dans différents domaines et environnements opérationnels”. Il ajoute : “Avec Xavier, nous sommes en mesure de multiplier la force des agences au-delà de l’équipe locale en augmentant leurs besoins en personnel et en atteignant une plus grande efficacité opérationnelle sur une seule plate-forme robotique. Cette synergie permet aux agences gouvernementales de construire un solide écosystème ops-tech et de continuer à améliorer la santé et la sécurité publiques”.
Les technologies de surveillance ont le vent en poupe depuis la pandémie de Covid-19
Ces robots rejoignent un arsenal impressionnant de 90 000 caméras de police, précise Euronews. Ce nombre devrait doubler d’ici à 2030 et accompagner des dispositifs de reconnaissance faciale installés sur lampadaires. Ces derniers aident les autorités à repérer les visages dans une foule tandis qu’un chien robot a participé à la lutte contre la propagation du Covid-19 en 2020.
La cité-État insulaire n’est cependant pas la seule à utiliser des robots et à faire polémique. Plus tôt dans l’année, la police d’Honolulu sur l’île d’Hawaï a fait appel à chien robot de Boston Dynamics pour contrôler la température des sans-abri. Selon les autorités, il s’agissait du moyen le plus sûr pour vérifier les symptômes liés à la Covid-19. Une acquisition controversée qui n’a pas manqué de faire réagir.
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Aux États-Unis, c’est également l’arrivée d’un chien robot dans l’effectif de la police new-yorkaise qui a défrayé la chronique. La sénatrice Alexandria Ocasio-Cortez avait fustigé l’utilisation de ces chiens robots, évoquant une “surveillance robotique déployée pour être testée dans les communautés de couleur à bas revenus”. Après avoir défendu son projet, le NYPD a finalement rendu son chien robot à ses propriétaires, la société Boston Dynamics.