Décryptage

Qu’est-ce que le doxing, pratique désormais punie par la loi

28 septembre 2021
Par Kesso Diallo
La pratique du doxing est  punissable de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende
La pratique du doxing est punissable de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ©Famawati Achmad Zaenuri

Le doxing, pratique consistant à divulguer les données personnelles d’un internaute dans le but de lui nuire, est désormais puni par la loi.

16 octobre 2020. Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Conflans-Sainte-Honorine, est assassiné pour avoir montré des caricatures du Prophète Mahomet à ses élèves. Suite au mensonge et à la plainte d’une élève, une vidéo dénonçant des actes prêtés au professeur est publiée sur les réseaux sociaux, diffusant au passage le nom et les coordonnées professionnelles de l’enseignant. La vidéo circule rapidement. Les informations qui y sont révélées mèneront le terroriste au professeur.

En 2017, la journaliste Nadia Daam, dénonce sur Europe 1 le harcèlement dont sont victimes deux militants à l’origine d’un « numéro anti relous » (un numéro de téléphone que les femmes peuvent donner à la place du leur pour se débarrasser de dragueurs pénibles). Après sa chronique, qui mentionnaient en termes peu flatteurs les utilisateurs du forum 18-25 ans de jeuxvideo.com – ceux-là mêmes qui avaient organisé des « raids » contre les militants et leur plateforme –, la journaliste est visée par une vague de cyberharcèlement extrêmement violente : menaces de mort, de viol (sur elle et sa fille adolescente), diffusion de son adresse, de celle du collège de sa fille. Les choses ne s’en tiennent pas au virtuel : des individus s’introduisent dans son immeuble et frappent à sa porte. Elle doit déménager, changer sa fille d’établissement.

Le doxing relève de plusieurs infractions

Samuel Paty, Nadia Daam et de nombreuses autres personnes ont été victimes de doxxing. La pratique – pas nouvelle – est définie par la loi comme « le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer ». Un an après la mort du professeur, un amendement portant son nom a été voté dans le cadre de la loi confortant le respect des principes de la République le mercredi 25 août. Jusque là, le doxing en tant que tel relevait de plusieurs infractions (atteinte à la vie privée, dénonciation calomnieuse, etc.) mais n’était pas à proprement parler puni par la loi. C’est désormais une infraction passible de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.

La condamnation pour doxxing est également susceptible d’aller plus loin selon la personne visée. Lorsqu’il s’agit d’une personne dépositaire de l’autorité publique (juge, militaire, gendarme, préfet, policier), chargée d’une mission de service public (chauffeur de bus, sapeur-pompier), élue (maire, député, ministre) ou d’un journaliste, « les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende ».

Cette peine plus lourde s’applique également lorsque le doxxing vise des personnes vulnérables, atteintes d’une déficience physique ou psychique, des individus malades ou atteints d’une infirmité, et des mineurs.

Que faire en cas de divulgations de données personnelles ?

Divulguer les données personnelles d’une personne peut avoir – au-delà du traumatisme suscité par le harcèlement, la peur, d’éventuelles incursions au domicile voire de passage à l’acte violent – des conséquences néfastes. Les informations révélées peuvent en effet être utilisées par des personnes malintentionnées pour faire du swatting, pratique aboutissant à l’intervention des forces de l’ordre chez une personne sans qu’elle ne sache pourquoi, à la suite d’un « canular » téléphonique.

Les personnes victimes de doxing ont la possibilité de porter plainte dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie. Les services de l’État sont également joignables par tchat pour donner des informations complémentaires ou porter assistance. Les victimes peuvent par ailleurs s’adresser directement à la plateforme où ledit contenu figure pour en demander le retrait immédiat. Les réseaux sociaux disposent, en effet, de procédures spécifiques pour remonter aux équipes de modération des publications discutables, voire clairement illicites. Un procédé qui peut toutefois nuire si la victime porte plainte, les traces étant effacées (il est donc recommandé de réaliser des captures d’écrans des commentaires ou messages avant de demander leur suppression).

Si des recours existent, la création de lois particulières par les institutions et la justice souligne une fois encore l’opacité des pratiques des plateformes en matière de protection de leurs utilisateurs et de modération des contenus.

Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste