Cette année, les maisons d’édition spécialisées ont offert une nouvelle vie aux classiques du genre. L’Éclaireur vous a concocté une sélection des plus beaux titres à (s)’offrir.
En 2022, un quart des 100 livres les plus vendus était des mangas. Deuxième pays le plus consommateur du genre, la France ne cesse de diffuser des licences exclusives. Entre nouveautés et classiques, l’offre explose. Ces dernières années ont été particulièrement rythmées par l’arrivée d’éditions collectors, qui permettent aux lecteurs de (re)découvrir des sagas cultes dans des conditions optimales. Petit tour d’horizon de celles qui nous ont particulièrement marqués.
Berserk, tome 42, chez Glénat
Plus qu’un simple manga, Berserk est une pierre angulaire de la pop culture, une fresque qui a redéfini les frontières de la narration graphique et s’est imposée au panthéon de la dark fantasy. Chef-d’œuvre de Kentaro Miura lancé en 1989, il s’est distingué par ses illustrations minutieuses, à la fois brutales et d’une beauté tragique, ainsi que par un récit d’une profondeur exceptionnelle.
L’histoire de Guts, guerrier marqué par une trahison déchirante, résonne désormais comme une épopée universelle sur la lutte contre la fatalité. Mercenaire solitaire devenu membre de la Troupe du Faucon, il voit sa vie basculer sous l’ambition démesurée de Griffith, son charismatique leader. Trahi, Guts entame une quête de vengeance acharnée, affrontant des forces surnaturelles et les ténèbres qui menacent de le dévorer.
L’édition collector du tome 42 honore le poids historique de Berserk avec une version somptueuse qui ravira les aficionados. Présenté dans un écrin rouge orné de dorures, ce coffret renferme un tarot exclusif inspiré des thématiques mystiques et symboliques de la série. Ce tome marque un moment charnière, où les tensions entre Guts et Griffith atteignent un nouvel apogée. Reprenant les rênes laissées par Miura, Koji Mori et le Studio Gaga prolongent le voyage avec une fidélité et une maîtrise qui captivent, offrant une continuité précieuse à une saga inachevée.
L’influence de Berserk s’étend bien au-delà des pages qui l’ont vu naître. Œuvre fondatrice, elle a marqué des générations d’auteurs, inspirant des mangas comme Claymore ou L’Attaque des Titans et des jeux emblématiques tels que Dark Souls. Loin de se cantonner à un genre ou à un style, Miura a imposé une vision audacieuse et inédite : celle d’un monde où la lumière et l’obscurité se heurtent dans un ballet tragique.
Dragon ball, chez Glénat
Quarante ans après ses débuts dans les pages du Weekly Shonen Jump, Dragon Ball revient sous une forme inédite : une version intégralement colorisée, proposée par Glénat. Les aventures de Son Goku enfant, aussi espiègle qu’invincible, reprennent vie dans des teintes vives qui illuminent l’univers farfelu et mystique imaginé par Akira Toriyama. Avec déjà six volumes parus et un septième attendu en janvier prochain, cette édition est bien plus qu’un hommage : c’est une passerelle pour redécouvrir un mythe ou le transmettre à une nouvelle génération.
L’histoire n’a pas changé : c’est celle d’un garçon naïf, vivant seul dans une forêt, et qui croise un jour la route d’une jeune fille ambitieuse en quête des mystérieuses Dragon Balls, ces boules de cristal capables d’exaucer un vœu. De là, tout bascule. Ce voyage initiatique se transforme peu à peu en une épopée haletante où Goku affronte des adversaires toujours plus redoutables et noue des alliances inattendues. Entre les leçons sages – et souvent absurdes – de maîtres d’arts martiaux et des tournois où le ciel lui-même semble se fissurer sous l’intensité des coups échangés, Goku devient une légende.
Dragon Ball n’a pas simplement marqué l’histoire, il l’a fracturée. Avec plus de 260 millions d’exemplaires écoulés, des adaptations devenues cultes, et une influence palpable dans des œuvres comme Naruto ou One Piece, l’héritage de Toriyama est gravé au fer rouge dans la pop culture. Chaque arc, chaque personnage, chaque cri de combat résonne encore, autant chez les enfants fascinés par leur premier Kamehameha que chez les nostalgiques. Mais au-delà des chiffres et des produits dérivés, l’oeuvre reste une déclaration universelle : peu importe les obstacles, il y aura toujours un horizon à dépasser.
Rave, chez Glénat
Moins connu que Fairy Tail, mais tout aussi captivant, Rave revient dans une toute nouvelle édition pensée pour les lecteurs et lectrices d’aujourd’hui. Publiée en volumes doubles et en grand format, cette réédition offre une opportunité unique de redécouvrir la première œuvre emblématique de Hiro Mashima, lancée en 1999, six ans avant le succès phénoménal de Natsu et Lucy. Avec son univers riche en magie, ses personnages attachants et ses quêtes épiques, Rave ravira sans aucun doute les amateurs de shonen, tant il partage des similitudes avec l’univers des fées.
Dans un monde où les forces du bien et du mal s’affrontent à travers des pierres aux pouvoirs mystiques, le manga raconte la lutte contre la résurgence des Dark Bring, artefacts maléfiques capables de plonger la planète dans les ténèbres. Après un sommeil de 50 ans, l’une de ces pierres tombe entre les mains de Demon Card, une organisation criminelle assoiffée de domination. Face à cette menace, Haru Glory, un adolescent au caractère fougueux, découvre qu’il a été choisi comme nouveau Rave Master, seul être capable de contrôler la pierre sacrée Rave pour contrer les pouvoirs de Dark Bring.
Armé d’une gigantesque épée aux capacités évolutives, Haru parcourt le monde à la recherche des fragments perdus de Rave, affrontant des adversaires redoutables dotés de pouvoirs terrifiants. Mélangeant humour, action frénétique et personnages hauts en couleur, Rave s’inscrit dans la lignée des récits d’aventures intemporels, conjuguant légèreté et enjeux épiques.
2001 Nights Stories, chez Glénat
2001 Nights Stories est l’un des plus beaux ouvrages qu’on ait vus. Près de 40 ans après sa première parution au Japon, le manga revient dans une édition (ultra)prestigieuse en deux tomes, accompagnée de pages couleur et d’un poster sublimes. Sans surprise, elle s’inspire du chef-d’œuvre de Stanley Kubrick et d’Arthur C. Clarke, 2001, l’odyssée de l’espace, qui a révolutionné le monde de la science-fiction. Fasciné par cet univers, le mangaka Yukinobu Hoshino a tenu à lui rendre hommage en imaginant une suite au fil de 19 histoires courtes qui nous interrogent sur l’exploration et la colonisation spatiales.
Dans la postface de l’édition de 2012, l’auteur expliquait qu’il souhaitait reprendre « les scènes les plus marquantes afin de les recomposer de façon totalement originale ». On y retrouve des éléments clés de l’œuvre originelle, mais le manga apporte aussi des idées complètement nouvelles et révolutionnaires.
Mars, chez Panini manga
Dans les années 2000, les fans de shōjos ne juraient que par Nana, Fruit Basket et Mars. Imaginé par Fuyumi Sōryō (Eternal Sabbath, Boyfriend) en 1996, le manga a rencontré un succès international seulement trois ans après son lancement. La série en 15 volumes a été publiée en France, en Italie et aux États-Unis entre 1999 et 2003, avant d’être adaptée en drama et en film (2016). Vingt ans après ses débuts, il s’est écoulé plus de cinq millions d’exemplaires, uniquement au Japon.
Véritable récit initiatique, Mars a su toucher un éditeur clé du paysage français, Panini manga, qui a décidé de lui offrir une perfect edition en huit tomes, avec une traduction entièrement revue et une préface inédite qui décrypte l’œuvre. Ce nouveau format devrait aussi bien séduire les lecteurs nostalgiques que les amateurs de shōjo.
Derrière sa romance touchante, juste et sincère, le manga cache un récit sombre et profond. On y suit l’histoire de Kira Asou, une jeune fille timide et solitaire passionnée de dessin, et de Rei Kashina, le « populaire » du lycée, amateur de moto et de problèmes.
Au fil des pages, les personnages vont se révéler leurs traumatismes, s’apprivoiser, et tomber amoureux. Ils vont devoir apprendre à gérer leurs (nombreuses) différences et surmonter les épreuves de leur relation aussi passionnée que chaotique. Mars met aussi en lumière des sujets importants comme le harcèlement scolaire, le suicide, les violences sexuelles, les troubles psychiques, les problèmes familiaux, les difficultés de l’adolescence ou encore le sentiment de ne pas se sentir à sa place.
Vampire Knight, chez Panini manga
Manga phare des années 2000, Vampire Knight a séduit des lecteurs dans le monde entier. Il a notamment été élu meilleur shōjo aux Japan Expo Awards 2009 et s’est écoulé à plus d’un million d’exemplaires en France depuis la sortie de son premier tome. Il faut dire que son autrice, Matsuri Hino, a enchaîné les succès : ses mangas se classent toujours dans le top 10 des meilleures ventes du genre au Japon et ont été traduits aux quatre coins du monde. Son secret ? Son souci du détail et sa capacité à imaginer des personnages charismatiques, envoûtants et touchants.
La mangaka sait comment capter l’attention. Atmosphère mystérieuse, rebondissements en pagaille, énigmes, secrets, manipulations, complots, protagonistes tourmentés… Dans Vampire Knight, tous les éléments sont réunis pour rendre le lecteur addict. L’œuvre nous plonge au sein de l’académie Cross, dans laquelle les vampires cohabitent secrètement avec les humains. L’école a établi un fonctionnement strict : elle accueille les élèves de la « day class » (des humains) le jour, et ceux de la « night class » (des vampires) la nuit.
Pour éviter les débordements, le directeur a demandé à Yûki et Zero, les enfants qu’il a recueillis, de maintenir l’ordre. Cependant, Yûki rêve de voir les humains et les vampires cohabiter. Elle devra donc choisir entre Kaname, le vampire au sang pur qui lui a un jour sauvé la vie, et Zero, son ami d’enfance, qui éprouve une haine viscérale envers ces créatures des ténèbres.
Presque 20 ans après son lancement, Panini manga a réédité l’œuvre dans une version spéciale. La perfect edition, sortie cette année, permet aux lecteurs de (re)découvrir cette saga culte dans les meilleures conditions. On y retrouve des pages en couleur, mais aussi des commentaires de la mangaka. Elle nous livre les secrets de son œuvre, de la genèse du projet à la conception de ses personnages, en passant par le choix des noms et des uniformes. Un must have pour les adeptes de romance, de fantastique et de gothique.
Sous un rayon de soleil, chez Panini manga
Il nous a suffi de quelques pages pour être complètement conquis par le dessin de ce manga. Les traits, précis, fins et ronds offrent au lecteur des planches sublimes. Il faut dire que son auteur, Tsukasa Hojo, n’est pas un débutant. On le connaît pour avoir notamment imaginé et créé Cat’s Eyes et City Hunter (Nicky Larson) – rien que ça. Moins connue que ses œuvres précédentes, Sous un rayon de soleil n’a pourtant rien à leur envier.
Elle renferme une histoire très personnelle, drôle, légère et qui renvoie à la nostalgie de l’enfance et à l’amour de la nature. En effet, le mangaka a grandi sur l’île de Kyushu et a été marqué par ses paysages. Il avait d’ailleurs partagé ces souvenirs dans le récit Le Temps des cerisiers, paru en 1993 dans le Weekly Shonen Jump, qui est ensuite devenu le prologue de Sous un rayon de soleil. L’histoire du manga se déroule dix ans après, dans une autre ville, avec un autre arbre.
Détail qui a son importance : ce styrax est l’un des personnages principaux de ce récit. Tatsuya, un jeune garçon, le juge responsable de l’infirmité de sa petite sœur Satsuki et veut l’abattre. Cependant, une fille mystérieuse nommée Sara intervient pour l’en empêcher. Cette amoureuse de la nature vit seule avec son père, qui gère un magasin de fleurs itinérant.
Tsukasa Hojo fait quelques clins d’œil à ses anciens personnages (dans City Hunter, Sara Nishikujo est une riche adolescente, capable de sonder le cœur des autres, et Umibozu a prêté ses lunettes, sa carrure et son tempérament au Hayato de Sous un rayon de soleil), mais propose ici un récit bien plus intime et profond. Il interroge le lecteur sur son rapport à la nature, à l’homme, à ses peurs, à l’abandon et à la vieillesse. C’est une œuvre pleine de poésie et injustement sous-cotée.
Demon Slayer, chez Panini manga
Demon Slayer fait partie de cette nouvelle génération de mangas qui a révolutionné le secteur. Publiée au Japon entre 2016 et 2020, l’œuvre de Koyoharu Gotōge est l’une des plus populaires et courtes (23 tomes) au monde. Plus de 150 millions d’exemplaires numériques et physiques ont été écoulés (chiffres de 2021) et le film Le Train de l’infini (2020) est devenu le long-métrage le plus rentable dans les salles japonaises, dépassant même Le Voyage de Chihiro, d’Hayao Miyazaki. La licence a été développée sur différents formats, de l’anime à l’artbook, en passant par des coffrets collector, et Panini manga l’a remise sur le devant de la scène avec une édition pilier (en référence à la plus puissante caste des pourfendeurs) cette année.
Elle concentre les 23 tomes en huit volumes épais et grands formats (17,6×26,5cm), qui prennent les couleurs des plus grands chasseurs de démons. Il inclut des pages colorées inédites, issues de la prépublication. Cette édition prestigieuse permettra aux lecteurs de (re)plonger dans l’univers de Koyoharu Gotōge et son histoire fascinante.
Pour rappel, elle suit les aventures de Tanjirō Kamado, qui tente de redonner sa forme humaine à sa petite sœur, Nezuko, qui s’est transformée en démon. Durant ses aventures périlleuses, le jeune demon slayer va faire la rencontre de personnages complexes et sombres. Derrière sa noirceur et sa violence, ce manga propose un récit très juste et passionnant.
Crying Freeman, chez Glénat
Prépublié en 1986, ce seinen a été conçu par deux maîtres du genre. Kazuo Koike (considéré comme l’un des fondateurs du manga pour adultes) a imaginé le scénario et Ryōichi Ikegami (connu pour la série à succès Sanctuary) a réalisé les dessins. La saga en cinq volumes a connu un grand succès et a même été adaptée en film par Christophe Gans (Le Pacte des loups) en 1995. Presque 40 ans après son lancement, Glénat a pris la décision de remettre en lumière cette œuvre mythique avec une édition perfect en grand format, avec des pages couleur.
Crying Freeman doit son statut de « manga culte » à ses dessins nerveux et réalistes et à ses thématiques. L’histoire mêle le polar, la romance, le drame, l’érotisme, l’intime et la violence. Elle nous plonge au cœur de la mafia chinoise. Un potier japonais est enlevé, drogué puis utilisé comme tueur par l’organisation des 108 dragons.
Sa technique et son sang-froid lui permettent de devenir l’assassin attitré du groupe criminel et il doit son nom (Crying Freeman) aux larmes qu’il ne peut s’empêcher de verser à chaque meurtre. Cependant, son quotidien est chamboulé lorsqu’il refuse d’abattre une jeune femme qui a été témoin de ses crimes. Entre histoire d’amour et de mafia, ce seinen est un incontournable du genre.
Kaze no shô, le livre du vent, chez Panini manga
Véritable fresque historique, ce manga a été créé par Jirô Taniguchi et Kan Furuyama. Le premier a rencontré un succès international et a été récompensé par de nombreux prix, notamment pour Terre de rêves, Au temps de Botchan et Le Sommet des dieux. C’est un mangaka majeur, qui a le don de retranscrire les petits détails de la vie quotidienne. Le deuxième est un scénariste très célèbre au Japon. Spécialisé dans l’histoire de son pays, il produit des œuvres authentiques, comme Sôseki jikenbô et Yoimachigusa jikenbo.
De cette collaboration est né Kaze no shô, le livre du vent, un récit qui nous plonge dans la société japonaise en 1649. Les partisans de l’empereur et les partisans du shogun s’affrontent dans une guerre autour d’un mystérieux manuscrit (Les Chroniques secrètes des Yagyû). Les secrets qu’il renferme leur permettraient de faire trembler le shogunat des Tokugawa, qui règne sur le pays depuis plus de 30 ans.
Fasciné par cette histoire, Panini manga a souhaité la rééditer dans une version prestigieuse avec des pages colorées, une introduction qui permet au lecteur de comprendre le contexte de l’histoire, mais aussi deux postfaces écrites par Kan Furuyama et Jirô Taniguchi en 1992. Ce dernier explique que les drames historiques sont très présents au cinéma et à la télévision, mais très discrets dans les mangas aujourd’hui. « Même si c’est un genre un peu oublié, j’aime à penser qu’il peut connaître un regain d’intérêt », explique-t-il.
Il confie aussi que c’est la première fois qu’il dessine une histoire de ce genre, et revient sur la genèse du projet. Au départ, il voulait simplement dessiner des scènes de duels au katana, mais le magazine Young Champion a changé ses plans. Cette première collaboration avec le scénariste Kan Furuyama l’a mis « sous pression », et il révèle avoir très vite commencé à faire des recherches. « Kyoto (…) offrait sans doute le décor idéal pour cette aventure. Chaque fois que je me rends dans l’un de ses temples, de ses châteaux ou que j’arpente ses rues, je me sens submergé par des siècles d’histoire. »